Revue de presse

J.-M. Blanquer : « Jacques Julliard, la gauche, l’école et la laïcité » (Le Figaro, 11 sept. 23)

Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation nationale. 12 septembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Julliard s’affirmait en homme de gauche mais ne reconnaissait plus sa maison d’origine. Il était pourtant bien placé pour la situer ou la définir, lui qui avait écrit la somme magistrale sur le sujet : Les gauches françaises 1762-2012. Et il ne cessait donc de chercher à comprendre ce qui avait pu basculer sous ses yeux, et les nôtres, dans un mouvement d’abord imperceptible puis renversant. Et cela l’amenait très au-delà de la politique, car c’est en fait notre monde qu’il interrogeait.

Pour lui qui venait de la « deuxième gauche », et donc d’une famille de pensée où l’on considérait qu’il fallait d’abord faire confiance à la société plutôt qu’à l’État, il était douloureux de constater qu’une forme de « sociétalisme » avait fini par succéder au socialisme. Sa gauche avait oublié la classe ouvrière et, avec elle, l’État, la Nation, le peuple. Plus intéressée par la séduction des minorités de tous ordres pour les additionner que par l’instauration d’une justice pour tous, elle courrait vers la négation de soi et donc vers le désastre. Il ne la désertait pas pour autant, pas plus qu’il n’aurait déserté son pays. Il cherchait à la retrouver à tâtons se considérant membre du « tiers parti intellectuel » avec d’autres comme Élisabeth Badinter, Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut ou Marcel Gauchet. [...]

Le laïc qui se battait pour la sécularisation était aussi un chrétien qui luttait contre le désenchantement. [...]

Julliard était un professeur qui souffrait de l’affaissement de l’éducation nationale. Dans son livre L’école est finie (2015), il dépeignait les maux qui avaient conduit au déclin. Il pourfendait le pédagogisme, l’affaiblissement des langues anciennes, de la littérature, l’allègement des exigences, le harcèlement des bons élèves, bref, le changement de modèle et même de paradigme qui conduisit au nivellement par le bas et à l’évacuation subséquente du beau, du bien, du vrai. [...]

Nous étions enfin en accord profond sur la laïcité. Nous nous situions dans la lignée de Jules Ferry et de Jean Zay et fort marris, par un renversement extravagant des repères, de passer pour réactionnaires de ce fait.

« La laïcité n’est rien d’autre que le plus grand effort jamais tenté pour séparer justice et charité en conservant dans chaque domaine l’inspiration la plus évidente de l’autre », écrivait-il avec cette acuité que lui donnaient et son intelligence et sa foi. L’idée de laïcité allait avec toutes ces séparations qui rendent la vie collective possible : du civil et du politique ; de la vie professionnelle et de la vie personnelle ; du représentant et du représenté ; des Églises et de l’État.

« Mais cette séparation, purement pratique, a pour présupposé l’unité de l’Esprit humain et par voie de conséquence, l’unité de l’espèce humaine. Dites laïcité ou dites universalisme, qu’importe c’est la même chose ». Ce plaidoyer humaniste aurait été consensuel il y a trente ans. Il ne l’est plus. [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Jacques Julliard (note de la rédaction CLR).


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