Revue de presse

J.-E. Schoettl : « Les attaques contre la campagne de l’Éducation nationale pour la laïcité sidèrent par leur violence » (lefigaro.fr , 7 sept. 21)

Jean-Eric Schoettl, conseiller d’Etat honoraire, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, membre du Conseil des sages de la laïcité de l’Education nationale. 9 septembre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Les principales et plus virulentes admonestations proviennent (hélas !) de syndicats d’enseignants et de personnalités de gauche. Elles sidèrent par leur violence et leur absurdité. Il faut avoir été sérieusement contaminé par le complotisme « woke » pour voir dans les huit affiches composant cette campagne une tentative d’endoctrinement néocoloniale. La laïcité, lorsqu’elle se traduit - comme c’est son essence - par une exigence de neutralité religieuse serait, à entendre les détracteurs de Jean-Michel Blanquer, une ruse de la xénophobie. Quant au mot « assimilation », il est devenu pour eux (et pas seulement pour les groupuscules décoloniaux) carrément obscène.

Le réquisitoire tombe dans le délire hallucinatoire lorsqu’il décèle, dans la célébration joyeuse, par ces affiches, d’une école bigarrée, mais non compartimentée selon l’origine et la religion, un « sous texte » destiné à « corriger les défauts des enfants musulmans » et à exalter la primauté de l’ « individu gaulois, blanc et masculin ». [...]

La tonalité générale de la campagne relèverait d’un « vivre ensemble » un peu niais, déconnecté de l’univers scolaire et des missions fondamentales de l’enseignement laïque ? Cette impression ne tient pas compte du contenu implicite d’images illustrant, pour un regard enfantin, les idées de liberté, d’égalité et de fraternité telles que l’école laïque les incarne au quotidien.

Le message ne serait pas exempt d’ambiguïtés ? Reconnaissons-le pour l’affiche ainsi libellée : « Permettre à Erynn et Edene d’être égales en tout ». Erynn et Edene doivent-elles être égales aussi par leurs performances scolaires et par leurs notes ? Non, bien sûr. Mais la maladresse est vénielle. Même un public candide en lèvera l’ambiguïté : c’est d’égalité des droits qu’il s’agit.

Sur les prénoms et les types ethniques des enfants, que dire sinon que la réalité scolaire est faite aujourd’hui de cette diversité et que la laïcité consiste non à oblitérer les différences natives, mais à les dépasser par la transmission de connaissances dégagées des croyances, par la formation de la raison, par la construction de l’esprit critique et par l’accession à la citoyenneté ? Par le droit aussi à être « différent de sa différence » et de s’émanciper de son milieu. La campagne est très positive de ce point de vue.

Certaines affiches mettent dans le mille de l’idéal laïque. Par exemple : « Tout faire pour que Imrane, Axelle et Ismail pensent par eux-mêmes » ou « Donner le même enseignement à Romane, Elijah et Alex quelles que soient leurs croyances ». C’est aussi le cas de l’affiche libellée : « Permettre à Sacha et Neissa d’être dans le même bain » car le bain qui nous est montré sur l’affiche est une piscine et que nous savons que l’apprentissage de la natation à l’école, par toutes les Neissa, est un enjeu laïque !

Est non moins au diapason de l’idéal laïque l’insistance de la campagne sur le partage des mêmes choses. Si la laïcité est en effet « la possibilité de vivre et de penser à la première personne du singulier » (comme dit Delphine Horvilleur), elle est aussi le partage d’un commun : la Nation, la citoyenneté, des codes, des disciplines, des affections, une mémoire.

Le message implicite délivré par ces affiches (notamment « Rire ensemble » et « Porter les mêmes couleurs ») est également celui de la discrétion religieuse dans l’espace scolaire. Cela satisfera tous ceux d’entre nous, qui, avec Jean-Pierre Chevènement lors de la création de la fondation de l’Islam de France, estimons que la laïcité c’est, au-delà de la construction d’une communauté politique fondée sur l’universalisme, une culture de la discrétion des appartenances dans l’espace public.

L’exercice était extraordinairement difficile : faire visualiser les bienfaits de la neutralité religieuse (en termes d’apprentissage et de vie commune), tout en « parlant » aux enfants et aux adultes, et sans autre allusion à la religion que les prénoms. Eu égard à la difficulté de cette équation, la solution proposée est plus qu’honorable. [...]"

Lire « Les attaques contre la campagne de l’Éducation nationale pour la laïcité sidèrent par leur violence ».



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