Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction de "Marianne". 28 avril 2020
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"L’enthousiasme suscité par le parcours des Bleus au Brésil donne un écho à la célèbre formule de Romain Gary dans l’Education européenne : « Le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres. »
Il y a belle lurette que l’on n’avait vécu pareil engouement populaire pour une équipe au parcours certes prometteur mais somme toute interrompu assez tôt. Qu’il est loin le temps des petites frappes de la Berezina sud-africaine ! Nonobstant la récupération médiatique de TF1, commercialement fort intéressé, les Bleus ont suscité une forme d’union fort sympathique. On a évité les boursouflures verbales de « l’équipe black-blanc-beur », entendues à une époque (1998) où certains voulaient mettre des barrières communautaristes dans une équipe aussi diverse que l’est la France. Cette fois, la Marseillaise a été entonnée sans arrière-pensée. Le drapeau national a pu être exhibé sans agressivité, sans dérive ostentatoire, sans acrimonie, mais sans honte ni complexes - ce qui est somme toute assez neuf.
L’étonnant n’est pas que cela ait eu lieu - il en est ainsi sur tous les continents et sous toutes les latitudes. L’étonnant est que ce qui est vrai du foot - ou du sport en général - soit jugé déplacé, ou inconvenant, dans n’importe quel autre domaine.
Désormais, en effet, tout ce qui relève du cadre national, là où s’exerce la souveraineté du même nom, est à manier avec des pincettes, comme s’il s’agissait d’une matière inflammable, d’une bombe artisanale, ou d’une dérive forcément condamnable. Critiquer l’Europe de la bureaucratie et de la banque vaut aussitôt suspicion de prurit souverainiste et preuve d’une dangereuse contagion nationaliste. Invoquer le protectionnisme est considéré comme une forme aggravée du même phénomène. S’inquiéter du devenir du potentiel économique national dans le cadre de la mondialisation relève presque de la Cour pénale internationale. Rappeler, à propos de l’avenir d’Alstom, que l’on aurait pu opter pour une solution franco-française au lieu d’ouvrir les portes de la maison à l’américain General Electric, c’est courir le risque d’être cloué au pilori pour déviationnisme. […]
Hors la sphère sportive, les enthousiasmes patriotiques devraient être bannis. […]"
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