Revue de presse

J. de Funès : « L’entre-deux-tours ou la grandiloquence des matamores » (lefigaro.fr , 15 avril 22)

17 avril 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Ces déclamations chevaleresques, sur fond de récupération morale, me semblent vaines et inopérantes pour plusieurs raisons.

La première, c’est que le souffle de ce front anti-RN sent le remugle des années 1980 face à Jean-Marie Le Pen. Bien que le RN soit un parti républicain, la nazification de l’extrême droite reste un réflexe, au risque d’amoindrir dans les mémoires la spécificité de l’abomination hitlérienne. Je comprends la facilité à fouiller dans les poubelles de l’histoire, mais elle est le signe d’une pauvreté, celle de l’esprit incapable de penser le nouveau, l’événement, le présent. Plus le monde devient complexe et plus les esprits pauvres en lucidité mais riches en moralisation se cramponnent aux époques où il y avait d’un côté le mal, de l’autre le bien.

Deuxièmement, c’est ignorer que la morale n’a pas d’effet véritable sur les consciences. Si l’on se contentait de voir le bien pour le faire, l’histoire serait plus radieuse et l’éducation plus aisée. S’il suffisait de comprendre que fumer n’est pas bon pour la santé, il y aurait nettement moins de fumeurs et de cancers du poumon. Allez dire à un alcoolique ou un drogué d’arrêter son addiction avec les meilleures raisons du monde, vous n’y parviendrez pas. Seul un désir peut en contrer un autre, de sorte que le match raison versus passion se termine généralement mal pour la rationalité souvent perdante. La raison ne fait pas l’action, elle combine, évalue, relie, mais ne fait jamais passer à l’acte. La raison « réfute sans convaincre, ou convainc sans persuader ni entraîner, ni convertir, semblable à ces prédicateurs éloquents qui nous font changer d’opinions mais non pas de conduite », disait Jankélévitch.

Troisièmement, utiliser des arguments rationnels pour convaincre du « bon » vote revient à se tromper de dispositif. La raison ne permet pas de connaître le bien et le mal mais le vrai et le faux. Aussi n’est-il pas « contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à l’égratignure de son doigt » (Hume) .

Enfin, c’est oublier une autre vérité philosophique : la délibération vient après la décision. Les citoyens ont globalement, pour la plupart, choisi leur camp et vont maintenant délibérer. La délibération, la pesée de motifs de choix, est toujours seconde par rapport à la décision, bien qu’on la place généralement avant. « En nous interrogeant scrupuleusement nous-mêmes, nous verrons qu’il nous arrive de peser des motifs, de délibérer, alors que notre résolution est déjà prise. Une voix intérieure, à peine perceptible, murmure : pourquoi cette délibération ? tu en connais l’issue, et tu sais bien ce que tu vas faire », avouait Bergson.

Un acte libre, comme l’est un choix électoral, suppose de se laisser déterminer par sa propre volonté. C’est pourquoi, lorsqu’on est attaché à la liberté démocratique, dont liberté-autonomie-responsabilité demeure le triptyque dont se réclament pourtant ces prédicateurs souvent libéraux, on respecte la liberté de conscience et de décision. Or les sermonneurs du bien appellent désormais danger, bêtise ou ignorance un choix qui n’irait pas dans leur sens. [...]"

Lire "Julia de Funès : « L’entre-deux-tours ou la grandiloquence des matamores »".


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