Revue de presse

"Islamisme. La mosquée des Bleuets perd son imam star" (Charlie Hebdo, 18 sept. 24)

(Charlie Hebdo, 18 sept. 24) 7 décembre 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Julie Lescarmontier

À première vue, rien n’a réellement changé. Comme tous les vendredis, quelques minutes avant le début du prêche, sur le parking de l’une des mosquées les plus dynamiques des quartiers nord de Marseille, les robes de prière vibrent au rythme du mistral et quelques lacets anticipateurs commencent à se dénouer. Seulement, il y a ces affiches bleu criard, où l’on peut lire en énorme : « Non à la fermeture abusive de la mosquée des Bleuets », seuls vestiges du feuilleton médiatico-politique d’un mois qui vient de s’achever dans le quartier des Bleuets.

Jusqu’à ce mardi 10 septembre et l’annonce de la suspension, le petit cube ocre était sous le coup d’une procédure de fermeture requise par la préfecture des Bouches-du-Rhône, à la demande de Gérald Darmanin, le 20 août. En cause : le discours fondamentaliste de l’imam Smaïn Bendji­lali – « imam Ismaïl » pour les intimes – lors de ses prêches et sur les réseaux sociaux. « Ils ont voulu le faire taire, mais ils n’ont pas réussi », tente de nous résumer Farid*, au milieu de la galerie de rideaux de fer accolée au temple. Mais le jeune homme, déjà bien barbu, oublie un détail. Ce vendredi, et pour une durée indéterminée, ce n’est plus l’imam Ismaïl qui prêche, mais – « Wesh ! c’est qui ? » – Omar, un remplaçant.

« Notre Constitution, c’est le Coran »
Car lundi 9, Smaïn Bendji­lali – par ailleurs poursuivi pour apologie du terrorisme – s’est retiré. Et dans les règles de l’art, s’il vous plaît. Le prédicateur a en effet supprimé les vidéos « problématiques » des réseaux sociaux et s’est inscrit à une formation à la laïcité. Alors, le monsieur aurait-il changé ? Il ne serait pas celui qu’on croit ? Pas un vilain salafiste, plutôt un « imam social ». C’est en tout cas le discours d’Azzedine Aïnouche, imam à la mosquée El-Islah, plus au nord : « Les Bleuets ont cette capacité d’attirer les jeunes. Quand vous avez un quartier gangrené par la drogue, c’est un espace où vous ne trouvez pas seulement du religieux, mais aussi du social, de l’éducatif et du sport », assure-t-il. « Il fait de la sensibilisation sur Instagram », nous garantit même Ali*, un de ses jeunes fidèles, certain qu’il serait « tombé dans le deal » s’il n’avait pas « rencontré l’islam ».

Pour Nassurdine Haidari, imam réformiste comorien influent à Marseille, « on extrapole souvent le rôle des imams et leur capacité à influer en bien sur une certaine jeunesse ». En vérité, la star des imams d’Internet attire surtout des jeunes conquis par sa lecture bien rétrograde du Coran. « Délaisser la prière islamique est un péché plus grave que tuer une centaine de personnes », prêchait-il en novembre 2022. En 2017, il professait que « l’obtention du paradis pour la femme est conditionnée à l’obéissance envers son époux ».

Surtout, Smaïn Bendjilali a compris comment parler à une jeunesse musulmane qui ne se reconnaît plus dans les valeurs et les lois de la République. « Notre Constitution, c’est le Coran », soutient-il régulièrement, reprenant mot pour mot la devise des Frères musulmans. Et le discours a achevé de convaincre Farid* : « Moi, je pense comme Marine Le Pen : la France, tu l’aimes ou tu la quittes. Donc je vais quitter la France. » Et d’ajouter : « On ne peut pas empêcher les filles de porter le voile à l’école, c’est pas laïque, ça. » Cher recteur, encore une petite place pour la formation à la laïcité ?

* Les prénoms des fidèles ont été modifiés.


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