1er octobre 2020
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Après avoir englobé tous les phénomènes de « séparatismes », l’Elysée cible désormais l’islamisme comme son principal adversaire.
Par Marcelo Wesfreid
« Il fallait nommer un chat un chat », glisse un conseiller. Ce vendredi matin, Emmanuel Macron se rend aux Mureaux (Yvelines) : un discours suivi d’une conférence de presse pour dévoiler les contours du projet de lois sur « les séparatismes », qui sera présenté début décembre en Conseil des ministres.
Dans un premier temps, quand il évoquait ce chantier, l’exécutif mettait sur le même plan le combat contre les dérives islamistes et la lutte contre les « sectes », les « suprémacistes blancs », les « évadés fiscaux », les « écoles cathos extrêmes ». Histoire de ne pas être accusé de stigmatiser une religion. Mais le ton au sommet de l’Etat a subitement changé ces derniers jours, sur fond d’attaque au hachoir devant les ex-bureaux de « Charlie Hebdo » et de recrudescence des appels à la haine.
Dans sa communication, l’Elysée est devenu cash : « Le principal adversaire, c’est l’islamisme », explique la présidence. « Il s’agit d’empêcher que sur certaines parties du territoire national, certains instrumentalisent la religion pour construire une société parallèle », explique un conseiller du palais. Un autre renchérit : « Dans beaucoup de ces territoires-là, quand vous cherchez une place en crèche, vous n’allez pas voir la mairie, vous allez voir l’association cultuelle. »
Même son de cloche au ministère de l’Intérieur où l’on pointe les « salles de prière dans les entreprises de transport », les « contrôleurs qui souhaitent uniquement exercer leur métier en équipe masculine » ou encore ces employés qui « nettoient les sièges des cabines de bus, là où une femme s’est assise ».
Le climat sécuritaire n’est pas la seule raison du changement de rhétorique. En coulisses, le Premier ministre Jean Castex, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa (Intérieur) et Jean-Michel Blanquer (Education) militaient pour cette approche. Emmanuel Macron leur a donné raison, malgré le risque de censure du Conseil constitutionnel. Alors que les tenants d’une approche moins ciblée — Roxana Maracineanu (Sport), Nadia Hai (Ville) — avaient été conviés à l’Elysée, il y a deux semaines, ils n’ont pas été réinvités ce mardi pour les derniers arbitrages avec les autres ministres concernés.
C’est peu dire que le président a évolué sur le sujet : en 2015, il affirmait que la France avait « une part de responsabilité » dans le « terreau » du djihadisme. Il pointait les « fermetures » dans notre économie qui alimentait le sentiment de « défiance » d’une partie de la population. Arrivé au sommet, sa doctrine a évolué. La preuve : en juillet, le chef de l’Etat s’est attaché les soins d’un spécialiste de la radicalisation, le préfet Frédéric Rose. Ancien secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, il est devenu le conseiller… « intérieur » du chef de l’Etat.
Après l’intervention d’Emmanuel Macron aux Mureaux, plusieurs ministres égraineront ces prochains jours les mesures concrètes liées au projet de loi : charte des valeurs et transparence dans la gouvernance des associations, contrôle des financements étrangers pour les lieux de culte, vigilance redoublée sur l’enseignement à domicile, « incitation » ou « obligation » pour des associations manifestement cultuelles à passer sous le statut de la loi de 1905…"
Voir aussi dans la Revue de presse les rubriques Loi "Principes de la République" (2020-21), Organiser l’"islam de France", Macron et la Loi de 1905, Entreprise publique, Sport amateur (note du CLR).
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