Revue de presse

Islamisme. "Ce Palestinien qui dénonce la trahison des élites françaises" (Marianne, 24 mars 17)

26 mars 2017

Waleed Al-Husseini, Une trahison française. Les collaborationnistes de l’islam radical dévoilés, Ring, 290 p., 18 e.

"Français de fraîche date et Palestinien de naissance, le jeune polémiste Waleed al-Husseini lance dans son dernier livre (“Une trahison française”, Ring éditions) un cri de colère contre tout accommodement avec l’islamisme.

Voici un troublant regard porté sur la France. Un jeune regard où la douleur n’est pourtant pas exempte de tendresse. Waleed al-Husseini croyait - et il croit encore - aux lumières du pays qui l’a accueilli après les épreuves subies en Cisjordanie pour « blasphème ». L’Autorité palestinienne, que seuls les Candide s’ingénient à croire laïque, l’avait jeté au cachot après avoir découvert le blog où l’adolescent revendiquait son athéisme. Il ne fut extrait de sa prison que sur intervention française. Il réussit enfin à gagner Amman, puis Paris, où il fonde le Conseil des ex-musulmans de France. Waleed a raconté son périple dans Blasphémateur (Grasset, 2015). Mais il ne s’attendait pas à la suite. A la métamorphose de sa société d’accueil, devenue aujourd’hui sa nouvelle patrie. Aux massacres djihadistes. Au bref sursaut. Puis aux hésitations, aux compromissions, à tout ce qui paralyse la volonté de penser librement. D’où ce livre où il veut démasquer « les collaborationnistes de l’ islam radical ».

« J’ai constaté que la France était victime d’une multitude de trahisons, écrit Al-Husseini, il en va de nombreux politiciens qui, durant ces dernières décennies, ont cohabité avec “la bête” à des fins électoralistes, mais aussi d ’intellectuels à la vision et à la pensée tronquées par le “tiers-mondisme” et le “ droit-de-l’hommisme” ; tous des collaborateurs par inaction qui sacrifient leur pays sur l’autel d’un combat d’arrière-garde. Surtout, il y a ces “nouveaux citoyens” qui sabotent les fondations de leur pays d’adoption et refusent avec virulence de se soumettre à ses lois au nom de leur idéologie qui place la charia au-dessus des lois terrestres. » Et de citer Tariq Ramadan, qui a défilé l’autre jour sans complexes de la Bastille à la République : « Le musulman, où qu’ il se trouve, appartient d’abord à la Oumma islamique. Sa religion prime sur sa nationalité. »

La Oumma, Waleed s’en est évadé et il ne la connaît que trop. Il n’est pas le seul « ex-musulman » de France. Nombreux sont ceux qui l’ont rejoint mais vivent dans la peur, tant est lourde l’accusation d’apostasie. Le jeune transfuge décrit ses contacts avec eux, autant que sa surprise à découvrir les illusions qui pavent d’incertains lendemains français : « En arrivant en France, j’ai découvert l’expression de “musulman modéré” alors que, dans ma Cisjordanie natale, cette expression n’existe pas comme il n’existe pas dans les autres pays arabes et musulmans. Il s’agit d ’une supercherie. Par définition, il n’y a pas d’islam modéré. » Rappelons au passage que les peuples les plus éprouvés par l’islamisme, et singulièrement l’Algérie qui se battit entièrement seule de 1992 à 2000 contre les djihadistes, se sont toujours dressés, à travers leurs romanciers et leurs intellectuels, contre ce naïf distinguo.

Rachid Boudjedra, Kamel Daoud, Boualem Sansal, l’immense poète syrien Adonis, les voix échappées de la République islamique d’Iran comme Chahla Chafiq et Chahdott Djavann ne disent pas autre chose, tout comme la Marocaine Zineb El Rhazoui et le brillant essayiste tunisien Hamadi Redissi, pourfendeur de l’infection obscurantiste saoudienne. Cette courte liste est loin d’être exhaustive, mais elle dresse une haie autour d’Al-Husseini à qui de pieux esprits reprocheront probablement de dire ce qui ne doit pas l’être. Car la vraie crainte des communautaristes, c’est cette parole libre jaillie de la culture musulmane pour en rejeter les dogmes, en toute connaissance de cause. Ce vieux combat - régulièrement relayé par Marianne - est porté depuis des années dans la plus haute des solitudes par de courageuses consciences. Les élites françaises - une grande partie des intellectuels et des politiques à droite comme à gauche - leur barrèrent la route au motif que ces femmes et ces hommes étaient « non représentatifs ». Si Benoît Hamon ne se trouve nullement gêné aujourd’hui par les cafés interdits aux femmes et ose mettre sur le même plan le voile et la minijupe, Nicolas Sarkozy, lui, déroula le tapis rouge devant le Conseil français du culte musulman qui faisait la part belle aux frérots islamistes de l’UOIF. Au royaume du compromis, pas de jaloux ! Le concept d’« islamophobie », décrit par Pascal Bruckner, est ici décrypté avec rigueur. « La théocratie musulmane, souligne Al-Husseini, se sert de l’islamophobie comme d’un masque de victime derrière lequel elle cache sa véritable nature et ses projets criminels. La bienséance a ses limites et il est temps que les Français cessent de céder à ce chantage. »

Pour le jeune auteur, qui a tant espéré en la laïcité française, « la laïcité aujourd’hui est malade. Dans les banlieues, une charia soft a déjà pignon sur rue […]. Un travail de fond entrepris par l’islam politique depuis son installation sur le sol de la République ». Et de citer les différentes phases de la métamorphose, du prêche de la bonne parole à la « purification ». Cela nous vaut des pages qui ne plairont à personne sauf à ceux qui ont subi et subissent les mêmes menaces que Waleed al-Husseini. Car le « blasphémateur » n’écrit pas pour séduire - cela est l’apanage des flatteurs qui font flèche de toute foi en ces temps électoralistes -, mais pour combattre. Lui qui vient d’ailleurs - une Palestine dont il déplore l’instrumentalisation - nous rappelle que sa France est celle de l’art de vivre et de penser. Il en est devenu un citoyen et il déploie à la défendre l’ardeur des jeunes amants. Cette flamme lui vaudra beaucoup d’ennemis, les mêmes que ceux qui, à la sortie de son premier livre, l’accusaient de trahir ses origines en décrivant la réalité de l’Autorité palestinienne. Lorsqu’il réclame des élites la lucidité sur l’entreprise islamiste et prône « la laïcisation » des musulmans, il se trouvera sans doute des aveugles pour l’accuser de blasphémer encore une fois. Le Coran en prend pour son grade, mais les lecteurs ne devraient pas oublier que nous sommes tous des citoyens du pays de Voltaire. « J’ai pris le risque de mécontenter mes adversaires et certains de mes amis, conclut Al-Husseini, car il en va des valeurs d ’un monde civilisé. Agissons avant qu’ il ne soit trop tard. »

Martine Gozlan"

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