Revue de presse

Iran : "Des hommes voilés pour dénoncer l’oppression" (The Guardian / Courrier international, 1er jan. 10)

10 janvier 2010

"Des centaines d’opposants iraniens se sont déguisés en se couvrant du voile islamique. Ils ont diffusé les photos sur Internet, histoire de faire un pied de nez aux autorités."

"Lors des manifestations estudiantines de début décembre 2009, un étudiant nommé Majid Tavakoli a été arrêté après avoir fait un discours enflammé en faveur de la démocratie. Les journaux gouvernementaux ont ensuite publié des photos de lui couvert d’un foulard bleu et portant un tchador noir – le costume des plus ferventes adeptes du code vestimentaire islamique. Ces clichés étaient clairement destinés à humilier l’étudiant et, par la même occasion, le Mouvement vert [qui conteste la réélection en juin 2009 du président Mahmoud Ahmadinejad].

La publication de telles photographies a une signification profonde dans la vie politique iranienne, car elle s’inspire d’un précédent. En juillet 1981, on disait que le président Bani Sadr, à l’époque en disgrâce, s’était enfui du pays déguisé en femme. Que ce soit vrai ou faux, il ne portait effectivement pas de moustache sur les clichés qu’on avait pris de lui lors de son arrivée à Paris.

Pour la rue, l’image d’un homme habillé en femme est une insulte à la sexualité et à la virilité masculines. En termes politiques, évoquer Bani Sadr représente une sorte de carton rouge. La presse conservatrice et progouvernementale a, au cours des dernières semaines, menacé plusieurs fois les responsables du Mouvement vert de subir le même sort que celui qui avait été réservé au président destitué Bani Sadr, fidèle lieutenant de l’ayatollah Khomeyni. Arrivé au pouvoir lors des premières élections avec un large soutien populaire, Bani Sadr avait surestimé sa victoire et s’était engagé dans une lutte de pouvoir contre l’ayatollah. Ce qui lui avait alors valu de passer du statut d’acteur essentiel du régime à celui de paria. Le message adressé à MM. Moussavi, Khatami et Karoubi [les leaders de la contestation] est donc clair : ne confondez pas popularité et pouvoir.

Si les personnes qui mènent la guerre de propagande contre l’opposition ont de bonnes connaissances en histoire, elles ont des lacunes en sociologie. Dans les heures qui ont suivi la publication des photos de Tavakoli, des centaines de jeunes Iraniens ont mis en ligne des photos d’eux vêtus de foulards, draps de lit et autres formes improvisées de tchador. L’information a rapidement circulé sur la Toile et rapidement gagné les cercles de l’opposition. Ce phénomène invite les autorités à prendre conscience que les adversaires du régime ne sont pas gênés par le langage symbolique de l’oppression. Ils se l’approprient pour démanteler l’architecture même du système. Le Mouvement vert est un mouvement de citoyens postmoderne et postidéologique. Il montre en outre que la femme en tant que force politique a fait du chemin depuis les trente dernières années. Les femmes sont à la pointe de ce mouvement et en constituent le meilleur, elles ne sont pas un accessoire. Zahra Rahnavard [épouse de Mir Hossein Moussavi, candidat malheureux à la présidentielle de juin] et Shirin Ebadi [lauréate du prix Nobel de la paix 2003] sont des responsables et des porte-parole clés, tandis que Neda [jeune femme tuée pendant les manifestations de juin] est devenue une martyre."

Lire "Des hommes voilés pour dénoncer l’oppression".


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