"Infréquentables, les Schtroumpfs ?" (leparisien.fr , 3 juin 11)

5 juin 2011

"Voilà une schtroumpfement bonne idée pour faire parler d’un livre ! Annoncer, comme le fait Antoine Buéno, 33 ans, écrivain, chargé de mission au Sénat, que la société des Schtroumpfs, nés sous la plume de Thierry Culliford, alias Peyo, en 1958, est « un archétype de société totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme ». Et tout en se gardant bien d’affirmer que Peyo nourrissait en douce de tels fantasmes — « autant que l’on sache, ses opinions étaient des plus modérées », écrit-il en préambule — ce maître de conférence à Sciences-po égrène une série d’observations troublantes. [...]

Schtroumpfland s’y transforme en une dictature régie par « le pouvoir absolu et gérontocratique du Grand Schtroumpf » dans laquelle le racisme, l’antisémitisme, l’anti-indivualisme et autres gaîtés de l’escadron totalitaire règnent sans partage. Et l’on n’y avait vu que du bleu !

Historien de la bande dessinée, Didier Pasamonik, par ailleurs fondateur du site Actua BD n’est pas choqué par l’exercice auquel s’est livré Buéno. « C’est la rançon de la notoriété », analyse-t-il — et la notoriété ne va pas sans reproches. « Il faut bien reconnaître que l’univers des Schtroumpfs est curieux, mais ne pas oublier non plus qu’en matière de BD la loi de 1949 de protection de la jeunesse était extrêmement vétilleuse. A tel point que pour plaire à la censure, Spirou avait intégré des histoires de boy-scouts et qu’on trouvait dans Tintin un récit de la Libération de Paris par le maréchal Leclerc. Je me demande jusqu’à quel point Peyo et Delporte (NDLR : scénariste des Schtroumpfs) n’ont pas voulu se moquer de la servilité des éditeurs en poussant jusqu’à l’absurdité l’image de la petite société des Schtroumpfs. »

Il n’empêche, « le Petit Livre bleu » pousse à feuilleter le passé de la BD. Et il n’a pas toujours été blanc-bleu. Le racisme avéré de Tintin dans « Tintin au Congo » continue à faire des vagues, mais pas seulement. Didier Pasamonik s’est penché sur le cas de « l’Etoile mystérieuse », aux consonances furieusement antisémites lors de la parution en feuilleton dans « le Soir » avant qu’elles soient gommées dans l’album. Hergé y mettait en scène le peu sympathique banquier Blumenstein, archétype d’une caricature d’un juif, stratégiquement rebaptisé Bohlwinkel après la guerre. « On peut aussi se demander, observe Pasamonik, pourquoi les fusées et les tanks sont frappés d’étoiles de David rouges. » Morris, créateur de Lucky Luke, n’a pas été épargné : « Un éditeur suédois lui a demandé de réduire les lèvres des Noirs. » Quant à Donald Duck, il a fait l’objet d’une étude très sérieuse publiée en 1976 : « Donald l’imposteur ou l’impérialisme raconté aux enfants », allusion à l’image de la société américaine de l’époque renvoyée par le héros de Disney…"

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