Laurent Joffrin, directeur de la publication de "Libération". 8 octobre 2018
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] La gauche débat de l’immigration et se divise. Au sein du groupe parlementaire de La France insoumise, Clémentine Autain signe un texte favorable à l’accueil des migrants, si général qu’il devient flou. Les autres, Mélenchon en tête, refusent de s’y joindre. Les courants de gauche non-mélenchonistes, Hamon, les écolos, le PCF, s’en saisissent pour en faire un marqueur idéologique. Pour avoir rompu souvent des lances avec LFI, on est d’autant plus à l’aise pour le dire : sur ce point précis, Mélenchon a raison.
Le texte a une qualité et deux défauts. Il rappelle la nécessité de l’accueil et l’humanisme élémentaire qui sied à une grande démocratie : juste affirmation. Mais il présente comme une concession à l’extrême droite toute mesure qui tend à réguler l’immigration. A ce compte-là, tous les gouvernements de la France depuis 1945, de droite et de gauche, appartiennent à l’extrême droite ou bien lui font de honteuses concessions. Et tous les gouvernements de la Terre également : tous régulent, et donc contiennent, les flux migratoires. Accusation absurde et confuse…
Le texte prescrit le « droit à la libre circulation ». Idéal précieux. Mais il oublie de dire que dans les textes internationaux, ce droit présente d’importantes exceptions, liées à la sécurité du territoire ou aux intérêts nationaux. Faut-il les annuler ? Mystère. La libre circulation est garantie dans l’espace Schengen, qui regroupe une vingtaine d’Etats européens, sauf exception transitoire. Faut-il étendre cette garantie aux non-Européens ? Le texte semble le dire. Mais dans ce cas, tout individu qui veut entrer en Europe, ou en France, serait autorisé à le faire de plein droit. Il faut aujourd’hui un visa pour venir d’un pays extra-européen en France. Faut-il l’abolir ? L’office des réfugiés (Ofpra) examine la situation des demandeurs d’asile, acceptant les uns, refusant les autres. Faut-il le dissoudre et donc supprimer au passage toute distinction entre réfugiés menacés dans leur pays et migrants souhaitant simplement travailler en France ? Rappelons qu’aucun gouvernement ne l’a jamais envisagé, même quand il comprenait des ministres communistes, hamonistes ou écologistes. La position des démocrates est celle de l’accueil régulé, ce qui les distingue de l’extrême droite qui tend à refuser tout accueil. Peut-on mettre ces deux forces dans le même sac ? Amalgame absurde et confus.
Tout cela se ramène à une constatation : la gauche ne s’en tirera pas en se contentant de positions de principe. Il lui faut une politique. Une politique ouverte, humaine, solidaire, mais une politique. L’irénisme n’en est pas une."
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