Revue de presse

"Ils voient des Jésus partout" (G. Biard, Charlie Hebdo, 7 août 24)

(G. Biard, Charlie Hebdo, 7 août 24). Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo" 10 août 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Ils voient des Jésus partout".

"Et une semaine plus tard, ils s’excusaient encore… Si vous avez raté la cérémonie d’ouverture des JO, vous n’avez pas pu échapper à la vague de contrition générale qui a suivi. À ce jour, c’est le plus bel exploit olympique accompli par la France : le nombre de médaillés d’or de la faux-culterie est tel qu’il faudrait installer un podium de plusieurs centaines de mètres de large pour qu’ils puissent y tenir tous.

Oui, vous avez deviné, nous parlons bien de la très, très controversée séquence de la cérémonie mettant en scène la DJ Barbara Butch en Jésus queer, entourée de drag-queens faisant office d’apôtres. Une réinterprétation jugée blasphématoire de la Cène, qui a été censurée ou remplacée par une page de pub sur nombre de télévisions étrangères, et qui, dans notre belle France-fille-aînée-de-l’Église, a déclenché une tempête de commentaires indignés – même Mélenchon a cru bon de s’offusquer -, plusieurs pétitions en ligne, sans oublier une avalanche d’injures et de menaces à destination du metteur en scène Thomas Jolly et de la DJ impie – à tel point qu’ils ont porté plainte pour cyberharcèlement.

Ont suivi plusieurs jours de pédalage dans la semoule sainte, où organisateurs, concepteurs et participants du tableau maudit se sont succédé sur tous les canaux médiatiques disponibles, afin d’expliquer que, non, pas du tout, vous pensez bien, personne n’a voulu choquer qui que ce soit, et surtout pas les croyants, Dieu nous en préserve. D’ailleurs, il ne fallait en aucun cas voir dans ce passage de la cérémonie ce que tout le monde, sans exception, y a vu, à savoir une parodie fantaisiste de la fresque de Léonard de Vinci.

Volte-face païenne
Non, non. En fait, il s’agissait d’une relecture bienveillante et inclusive d’une autre œuvre d’art, représentant le banquet de Bacchus, comme en témoignait l’apparition – également très remarquée – de Philippe Katerine en Schtroumpf naturiste coiffé d’une couronne de fruits. « L’idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe… Olympe… olympisme » (ah oui, bien vu !), expliquait Thomas Jolly sur BFMTV, le lendemain de l’outrage. Jusqu’au Monde qui, à coups de tribunes et autres articles filandreux semblant surgir de Connaissance des arts, a laborieusement tenté d’expliquer que le personnage trônant au milieu de la tablée n’est pas Jésus, mais Apollon. Avec une auréole…

Inutile de se demander à quoi rime cette pitoyable pantalonnade. Elle illustre jusqu’à l’absurdité la soumission quasi unanime au « fait religieux » et à ses diktats insupportables. Arrêtons de tourner autour du bénitier : si la terre entière – et même jusqu’aux Martiens, puisque Elon Musk a jugé ce spectacle « très irrespectueux envers les chrétiens » – a vu, à un moment précis du spectacle, une référence à la Cène, ce n’est pas une illusion d’optique.

Pourquoi ne pas l’assumer tout simplement, et renvoyer ceux qui s’en sont scandalisés, individus ou États, à ce qu’ils sont : des obscurantistes à l’esprit moisi, homophobes, racistes, antisémites, et pas franchement démocrates ? Ce serait l’occasion de rappeler que la France est une république laïque, où les divinités sont des sujets de moquerie, d’interprétation et de délires artistiques comme les autres. Au lieu de ça, acteurs et commentateurs du supposé « blasphème » ont ajouté un tableau « transgressif » supplémentaire à ce grand show d’ouverture : ils se sont publiquement pissé dessus, et ont décrété unanimement que la grande vainqueure de ces JO parisiens 2024 est la veulerie face à l’intégrisme religieux."


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier JO de Paris 2024 (note du CLR).


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