par Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 15 novembre 2018
Le 6 novembre, le Comité Laïcité République a réuni près de 800 personnes dans la magnifique et républicaine salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Paris, pour la remise annuelle des prix de la laïcité. Élus nationaux et locaux, représentants des associations humanistes et laïques, militants, simples citoyens se pressaient, chaque année plus nombreux, pour manifester leur engagement et leur solidarité laïques.
Cette manifestation que nous portons avec fierté, est devenue, en quinze ans, le rendez-vous de rentrée du monde laïque et connaît un écho de plus en plus grand. Les lauréats des mentions et des prix nationaux, internationaux et scientifique [1] ont réjoui l’assistance par la dignité, le dynamisme, l’optimisme combattant de leurs allocutions et nous ont rappelé que, hors de France, la devise républicaine et son couronnement, la laïcité, résonnent toujours du nom de liberté et de l’espoir du progrès humain et de la démocratie.
La veille, le président de la République et le gouvernement avaient fait savoir, par l’intermédiaire d’informations de presse confirmées par un certain nombre de ministres, leur intention de proposer à la représentation nationale la modification de la Loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905. Cette loi est la clé de voûte du pacte républicain et laïque qui fonde la République française. Il est donc normal que les associations laïques et tous les citoyens portent à ce projet un intérêt attentif et inquiet, même si des aménagements ont modifié cette loi à de nombreuses reprises au cours du dernier siècle, sans cependant en modifier l’équilibre profond.
Sans préjuger du contenu du projet présidentiel et gouvernemental, qui n’a pas pour l’instant de forme officielle, on peut cependant risquer quelques commentaires à partir des informations dont nous disposons.
Tout d’abord, il semble que le président ait clairement indiqué que les deux articles principiels de la Loi, les articles 1 et 2 [2] resteront en l’état. C’est un point essentiel.
D’autre part, les informations dont nous disposons laissent entendre que les articles qui seront remaniés concernent le pouvoir de contrôle et de coercition de l’État sur les comportements des associations cultuelles en rupture avec les lois de la République. Nous ne pouvons qu’approuver de telles annonces. Peut-être faudrait-il cependant s’assurer que les dispositions actuelles de la Loi et des lois de la République, mieux appliquées, ne suffiraient pas à maîtriser le problème.
Enfin, la question de l’assouplissement du financement des cultes et en particulier du culte musulman afin de mettre fin au financement étranger des mosquées et au recrutement allogène des imams semble abordée, sans beaucoup de précisions à ce stade de notre information.
Ce dernier point est crucial. Il ne faudrait pas que l’initiative louable consistant à protéger les citoyens français de religion musulmane des idéologies, des influences et des pratiques régressives et antidémocratiques qui se répandent à partir du Qatar, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et, dans une moindre mesure, des pays du Maghreb, se transforme en une intervention directe de l’État dans l’organisation du culte musulman en France. Il n’y a pas d’Islam de France. Il y a des citoyens et leurs pratiques religieuses. La République doit protéger l’exercice du culte dans les limites de la loi. Elle ne doit ni ne peut – les expériences funestes de la présidence de M. Sarkozy l’ont abondamment démontré – se substituer aux associations cultuelles ou devenir la source du financement des cultes.
Dans ces limites, la modernisation de la Loi de Séparation n’est pas en soi un péché, parce que la laïcité n’est pas un dogme.
Assurons-nous aussi que l’ouverture de ce chantier ne se transforme pas en une brèche béante dans laquelle les médias, les groupes de pression religieux, les élus-mêmes, au cours de leurs débats, risqueraient de multiplier les initiatives funestes qui pourraient aboutir à une véritable défiguration de nos principes. C’est peut-être là que réside le plus grand danger dans la période à venir.
Jean-Pierre Sakoun
[2] Titre Ier : Principes.
Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.
Lire aussi "Réforme de la loi de 1905 : les laïques face au casse-tête de la régulation de l’islam" (marianne.net , 14 nov. 18), J.-P. Sakoun : "La loi de 1905 est défiée" (lexpress.fr , 6 nov. 18), J.-P. Sakoun : « La laïcité subit des attaques de toutes parts » (causeur.fr , 5 nov. 18), "Loi de 1905 : les choix de Macron" (L’Opinion, 5 nov. 18) (note du CLR).
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