Tribune libre

Il faut défendre et soutenir le lumineux Henri Peña-Ruiz (K. Slougui)

par Khaled Slougui, consultant formateur, président de l’association Turquoise Freedom. 30 août 2019

[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Sans référer au contexte dans lequel Henri Peña-Ruiz s’est exprimé, il s’en est trouvé qui ont relevé cette phrase : "on a le droit d’être islamophobe". C’est scandaleux, ça prête à confusion, c’est de la malveillance. A qui profite le crime ? Il y a besoin de clarifier.

Primo. J’ai tout lu ou presque de Henri Peña-Ruiz, je n’ai jamais trouvé un soupçon de racisme. Je retiens "vivre ensemble c’est faire que l’option spirituelle de chacun reste une affaire privée ; c’est-à-dire ne prétend pas régenter la sphère publique. Si elle le faisait, elle deviendrait une violence". Et il ajoute : "l’Etat n’a pas à se soucier de la paix des âmes". C’est en effet une affaire privée, voila une question fondamentale.

Il incarne incontestablement la meilleure pédagogie mise en oeuvre pour comprendre ce qu’est la laïcité et ce qu’elle n’est pas.

L’insistance sur le fait que la laïcité n’est pas "un ressentiment, ni une hostilité vis-à-vis de la religion" a toujours été rappelée de façon récurrente dans son analyse. Le distinguo a toujours été établi, à la manière de Victor Hugo, entre cléricalisme et religion vraie. C’est en ces termes que se pose encore et toujours le problème de la relation sacré/profane, temporel/spirituel, religieux/politique.

Secundo. En vérité, il faut se le dire, l’attaque contre Henri Peña-Ruiz n’est pas fortuite, elle n’est pas une réaction spontanée de la bigoterie crasseuse qui aurait été inspirée par l’on ne sait quel élan citoyen pour mettre à jour l’islamophobie d’un très grand humaniste.

Il s’agit, en vérité d’une stratégie intentionnelle et concertée, qui n’a de cesse de vouloir saper les fondements de la laïcité comme pilier de la République. Au plan théorique, elle s’inscrit de plain pied dans la controverse entre les deux conceptions de la laïcité qui dominent les débats depuis des décennies : celle de Henri Peña-Ruiz et celle de Baubérot.

Jean Bauberot, est un grand rhéteur et redoutable tacticien quand il s’agit de tenir un double discours sur la laïcité, pour la vider de son contenu vital. Quand il ne propose pas sept types de laïcité ; est- ce que ce monde est sérieux ? aurait répondu Francis Cabrel.

Pour rappel, il a été membre de la commission Stasi qui a statué sur l’affaire des signes religieux ostentatoires à l’école ; c’est le seul à s’abstenir sur la loi de 2004 votée à l’unanimité.

Pour lui, qu’on réponde à certaines revendications religieuses ne contribuera pas à mettre le pays à feu et à sang ; il cite pour faire avaler la pilule le cas de l’armée où des repas "casher" et "hallal" sont distribués sans que cela pose quelque problème que ce soit ; mais très prudent, il a toujours précisé qu’il ne voulait pas signifier qu’il fallait généraliser la pratique à l’école. Au plan théorique, il s’est appuyé sur l’idée que "la laïcité n’est pas une valeur absolue, en tant que telle, elle n’existe pas".

A d’autres !

Tertio. Pratiquement, cela introduit le corollaire du "négociable et du non négociable" dans ce qu’il appelle "une anthropologie des droits de l’Homme" : le mariage forcé, et l’excision ne seraient pas négociables, en revanche, la question du port du voile apparaîtrait, sous cet angle, relativement anodine, en tout cas gérable.

Ma réponse tient en un primat : point n’est besoin d’adjectiver la laïcité . Et paraphrasant Henri Peña-Ruiz, je pose la question de savoir pourquoi il ne généralisait pas cette position à d’autres principes. De la sorte, la liberté ne serait pas absolue, de même que l’égalité, la fraternité et les DDHC. C’est ce qui s’apparente au relativisme culturel qui se fonde sur la possibilité de permettre aux gens d’avoir une démarche sans devoir renier leur culture, si tant est qu’elle soit bien représentée. Cela n’est d’aucune pertinence : le droit à la différence, oui ! La différence des droits, non !

Une question me brûle les lèvres : M. Bauberot, est-ce qu’en France, quelqu’un a été empêché de pratiquer sa religion ? Par ailleurs, ignorez-vous le projet totalitaire sous-jacent aux demandes néoreligieuses, celles de l’islamisme en l’occurrence ?

J’ai envie de dire "neoislam" pour répondre à Marwan qui parle de néolaïcité , c’est son fantasme, c’est une coquille vide, c’est simplement une façon de discréditer l’idée même de laïcité.

Quatro. "Qui a le droit de dire que la France, dans 30 ou 40 ans, ne sera pas un pays musulman ? personne n’a le droit de nous nier cet espoir-là, de nous nier le droit d’espérer une société globale fidèle à l’islam". En face d’une telle déclaration de Marwan (CCIF), que faire ? aurait dit Lénine.

Rappeler que c’est la véritable ambition des ténébreux islamistes qu’il faut combattre sans répit.

L’islamophobie n’existe pas. Et si c’était le contraire, elle serait d’abord le fait des islamistes eux-mêmes qui en ont fait un business très lucratif. Je combats tous les racismes, je suis fanonien : « le racisme est la chose la mieux partagée au monde ». Donc pas de jaloux !

La religion n’est pas une race, elle traverse les cultures et les civilisations ; on peut être de la même religion et de races différentes, et c’est le cas notamment des musulmans.

Conclusion. Je reprends un post : "L’imposture des islamistes, c’est de prétendre représenter les musulmans. Or cet ensemble n’existe pas et nul n’a de légitimité pour parler au nom des musulmans. C’est une stratégie éculée : les intérêts catégoriels s’expriment toujours au nom de l’intérêt général. Il faut leur retourner la politesse, ce sont eux les vrais islamophobes". En ce qu’ils prennent en otages les hommes et les textes.

D’autant que l’islam reconnaît le droit de ne pas croire, et implicitement donc le droit de rejeter la religion.
"Le vrai ne procède que de votre seigneur ? Que croie celui qui veut et que dénie celui qui veut" Coran (18,29).

En guise de souvenir du livre Voltaire en verve [1] j’ai gardé cet aphorisme : « la laïcité est une lueur de raison dans un océan d’obscurantisme, nous devons veiller à ce qu’elle ne s’éteigne pas ».

Oui ! J’assure notre ami Henri Peña-Ruiz de mon soutien indéfectible. Le combat ne fait que commencer.

Khaled Slougui

[1David Alliot, Voltaire en verve, éd. Horay, 2012.



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