Guy Konopnicki, journaliste, écrivain, chroniqueur à "Marianne". 12 septembre 2021
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"L’« affaire Mila » aura été un révélateur de la haine en ligne, et, en dépit de l’insignifiance des condamnations, le procès a montré comment des individus, qui ne sont pas particulièrement asociaux, en viennent à se rêver tortionnaires et assassins, dès lors qu’ils disposent d’un moyen d’expression offrant à quiconque les vertiges de la puissance. La face noire du Net s’est manifestée dès l’apparition de cette technologie, qui a favorisé le retour en force des idéologies les plus rétrogrades et les plus meurtrières. Comme si la révolution de la communication avait ouvert une fosse d’où s’échappent toutes les idées putrides. La haine, cependant, ne surgit pas sur la Toile par l’effet d’une mystérieuse désinhibition née des facilités d’accès aux réseaux.
Dans Cyberhaine [1], Marc Knobel montre comment des groupes organisés, trouvant les mêmes relais étatiques que le terrorisme, se sont installés, durablement, sur la Toile. Cyberhaine n’est sans doute pas le livre que l’on emportera sur la plage. Malheureusement, ce n’est pas une fiction, un de ces romans de cyberterreur, qui se sont multipliés au point de constituer un genre. Tout est réel, exact, minutieusement vérifié. La haine séduit, elle s’installe et se structure quand des idéologues lui donnent l’apparence d’une pensée rationnelle. Ce que l’on appelle le « complotisme », par lequel toute connaissance, toute vérité, peut être contestée, au nom d’une vérité que cacheraient, par machiavélisme, les supposés maîtres du monde. Les procès, les condamnations, des figures les plus voyantes, les Dieudonné, les Soral, ne suffisent pas à arrêter la propagation de l’infâme.
La négation de l’Histoire, fondement de l’antisémitisme, n’est pas née avec l’Internet : Marc Knobel rappelle l’histoire des officines, des éditeurs et des librairies spécialisées. En dépit du soutien de l’Iran et de quelques autres dictatures du Proche-Orient, cette propagande restait artisanale. Elle a tout de même accompagné l’émergence du Front national, qui diffusait, dans ses manifestations, les oeuvres des nostalgiques de la collaboration et celles des faussaires de l’Histoire.
Cette haine a trouvé son support, et la multiplicité des législations la rend insaisissable. La loi des États-Unis, terre des principaux réseaux sociaux, frappe plus volontiers l’atteinte à la pudibonderie ou à la religion que le racisme et les falsifications de l’Histoire. La France, où le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie sont des délits, ne peut réprimer efficacement, en raison du caractère mondial des réseaux. La réponse, au demeurant, ne peut se situer sur le seul terrain de la répression. La cyberhaine appelle un combat permanent, dont Marc Knobel trace les lignes de front."
[1] Cyberhaine. Propagande et antisémitisme sur Internet, de Marc Knobel, Hermann, 230 p., 24 €.
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