Revue de presse

"Ignominie.net" (G. Konopnicki, Marianne, 16 juil. 21)

Guy Konopnicki, journaliste, écrivain, chroniqueur à "Marianne". 12 septembre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"L’« affaire Mi­la » au­ra été un ré­vé­la­teur de la haine en ligne, et, en dé­pit de l’in­si­gni­fiance des condam­na­tions, le pro­cès a mon­tré comment des in­di­vi­dus, qui ne sont pas par­ti­cu­liè­re­ment aso­ciaux, en viennent à se rê­ver tor­tion­naires et as­sas­sins, dès lors qu’ils dis­posent d’un moyen d’ex­pres­sion of­frant à qui­conque les ver­tiges de la puis­sance. La face noire du Net s’est ma­ni­fes­tée dès l’ap­pa­ri­tion de cette tech­no­lo­gie, qui a fa­vo­ri­sé le re­tour en force des idéo­lo­gies les plus ré­tro­grades et les plus meur­trières. Comme si la ré­vo­lu­tion de la com­mu­ni­ca­tion avait ou­vert une fosse d’où s’échappent toutes les idées pu­trides. La haine, ce­pen­dant, ne sur­git pas sur la Toile par l’ef­fet d’une mys­té­rieuse dés­in­hi­bi­tion née des fa­ci­li­tés d’ac­cès aux ré­seaux.

Dans Cy­be­rhaine [1], Marc Kno­bel montre comment des groupes or­ga­ni­sés, trou­vant les mêmes re­lais éta­tiques que le ter­ro­risme, se sont ins­tal­lés, du­ra­ble­ment, sur la Toile. Cy­be­rhaine n’est sans doute pas le livre que l’on em­por­te­ra sur la plage. Mal­heu­reu­se­ment, ce n’est pas une fic­tion, un de ces ro­mans de cy­ber­ter­reur, qui se sont mul­ti­pliés au point de consti­tuer un genre. Tout est réel, exact, mi­nu­tieu­se­ment vé­ri­fié. La haine séduit, elle s’ins­talle et se struc­ture quand des idéo­logues lui donnent l’ap­pa­rence d’une pensée ra­tion­nelle. Ce que l’on ap­pelle le « com­plo­tisme », par le­quel toute connais­sance, toute vé­ri­té, peut être contes­tée, au nom d’une vé­ri­té que ca­che­raient, par ma­chia­vé­lisme, les sup­po­sés maîtres du monde. Les pro­cès, les condam­na­tions, des fi­gures les plus voyantes, les Dieu­don­né, les So­ral, ne suf­fisent pas à ar­rê­ter la pro­pa­ga­tion de l’in­fâme.

La né­ga­tion de l’His­toire, fon­de­ment de l’an­ti­sé­mi­tisme, n’est pas née avec l’In­ter­net : Marc Kno­bel rap­pelle l’his­toire des of­fi­cines, des édi­teurs et des li­brai­ries spé­cia­li­sées. En dé­pit du sou­tien de l’Iran et de quelques autres dic­ta­tures du Proche-Orient, cette pro­pa­gande res­tait ar­ti­sa­nale. Elle a tout de même ac­com­pa­gné l’émer­gence du Front na­tio­nal, qui dif­fu­sait, dans ses ma­ni­fes­ta­tions, les oeuvres des nos­tal­giques de la col­la­bo­ra­tion et celles des faus­saires de l’His­toire.

Cette haine a trou­vé son sup­port, et la mul­ti­pli­ci­té des lé­gis­la­tions la rend in­sai­sis­sable. La loi des États-U­nis, terre des prin­ci­paux ré­seaux so­ciaux, frappe plus vo­lon­tiers l’at­teinte à la pu­di­bon­de­rie ou à la re­li­gion que le ra­cisme et les fal­si­fi­ca­tions de l’His­toire. La France, où le ra­cisme, l’an­ti­sé­mi­tisme et l’ho­mo­pho­bie sont des dé­lits, ne peut ré­pri­mer ef­fi­ca­ce­ment, en rai­son du ca­rac­tère mon­dial des ré­seaux. La ré­ponse, au de­meu­rant, ne peut se si­tuer sur le seul ter­rain de la ré­pres­sion. La cy­be­rhaine ap­pelle un com­bat per­ma­nent, dont Marc Kno­bel trace les lignes de front."

[1Cy­be­rhaine. Pro­pa­gande et an­ti­sé­mi­tisme sur In­ter­net, de Marc Kno­bel, Her­mann, 230 p., 24 €.


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