Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

[...] De quoi l’assassinat de Samuel Paty est-il le symbole ?

Iannis RODER. - À mon sens, cet horrible assassinat est le crime d’une époque : un emballement sur les réseaux sociaux, entraînant un passage à l’acte dans une violence des plus ultimes et des plus résolues, mue par une idéologie politico-religieuse mortifère, le tout prospérant sur un terreau fait de pertes de repères, d’ignorance, voire de bêtise.

Il y a un avant et après car, au-delà de la personne du professeur, c’est évidemment l’école de la République qui a été attaquée. En réalité, c’est, pour la République et la nation, un drame absolu.

Deux ans plus tard, qu’est-ce qui a changé au sein de l’institution ?

Sollicité par Jean-Michel Blanquer immédiatement après l’attentat, l’inspecteur général honoraire Jean-Pierre Obin a préconisé un grand plan de formation de tous les enseignants à la laïcité. À ce jour, 130.000 personnels ont été formés. Par ailleurs, depuis l’an dernier, les concours de professeurs comportent un entretien avec le jury portant notamment sur les principes et valeurs de la République. Pour les candidats, il ne s’agit pas de recracher un catéchisme républicain inopérant, mais bien de montrer comment, dans l’exercice de leur métier, faire vivre et appliquer les valeurs républicaines encadrées par le principe de laïcité. [...]

Sur ces réseaux sociaux, des jeunes donnent leurs « trucs » pour aller à l’école en abaya ou en qamis, quand certains se scandalisent de l’interdiction de tels vêtements. Que nous disent ces attitudes d’une partie de la jeunesse ?

Que l’adolescence est l’âge des défis et de la provocation. Mais on ne peut sérieusement pas se contenter de cela, car ces jeunes se font les relais actifs d’entrepreneurs identitaires et religieux qui visent l’école et notre conception de la liberté. Les réseaux sociaux ne sont pas la seule source pour les jeunes qui, sur certains territoires, sont travaillés au corps par ces entrepreneurs religieux.

Ces jeunes nous donnent à voir leur méconnaissance du cadre, mais aussi leur intransigeance, voire une vision religieuse absolutiste. Incapables d’apprécier la liberté qui leur est proposée, ils préfèrent s’enfermer.

Les chefs d’établissement demandent des consignes claires concernant le port de ces tenues à l’école. Le cadre légal n’est-il pas suffisant ?

Il l’est à mon sens. La circulaire du 18 mai 2004 précise que la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école « est rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes, voire à d’éventuelles tentatives de contournement de la loi ». Nous sommes dans ce cas de figure. Aujourd’hui, il arrive que des jeunes filles portant l’abaya nient sa dimension religieuse. L’abaya n’est pas, à l’origine, un vêtement de nature religieuse. Mais il peut le devenir par destination, quand la jeune fille le porte pour des raisons religieuses. Ce qui est vrai dans 100 % des cas, car les jeunes filles portant une abaya remettent leur voile à la sortie de leur établissement. C’est clairement un signe de distinction et de séparation au sein de l’école."

Lire « À l’école, nombre d’entorses à la laïcité passent sous les radars ».