Humanisme (GODF)

Humanisme Ch. Coutel - L’émancipation humaine peut trouver sa voie dans la démarche maçonnique (Thierry Mesny, Humanisme, 3e trim. 23)

(Thierry Mesny, Humanisme, 3e trim. 23). Charles Coutel, universitaire, professeur émérite en philosophie du droit, essayiste, vice-président du Comité Laïcité République. 4 septembre 2023

[Les échos des initiatives proches sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Charles Coutel, L’émancipation maçonnique. À la recherche de la vérité, préface de Philippe Guglielmi, avant propos de Cécile Révauger, Conform édition, mai 2023, 128 p., 15 e.

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Voir "Charles Coutel, L’émancipation maçonnique ou à la recherche de la vérité"

"La particularité du rite français [1] est de nous faire accomplir une démarche intellectuelle et mentale pour nous conduire à l’émancipation. De plus, ce rite s’inscrit complètement dans la filiation des Lumières. Cet héritage revendiqué converge dans une connivence forte avec la modernité, notre modernité.

Charles Coutel, comme à son habitude, tient à la précision des termes et n’hésite pas dès les premières lignes à s’interroger sur cette notion « composite et plurielle » qu’est l’émancipation, et à interroger l’acteur de l’émancipation : vient-elle d’un maître ou de soi-même ? Il nous invite surtout, à nous méfier de tout cléricalisme, pris au sens large du terme du clerc qui parle ou prétend parler au nom du laos ou du demos. Il touche là du doigt la spécificité de la maçonnerie adogmatique dans sa démarche d’émancipation.

La méthode proposée par l’auteur s’inspire des Lumières, notamment de Kant et de Condorcet, afin de s’affranchir de l’emprise politique, familiale et culturelle sur le sujet. Elle adopte une attitude critique et puise dans la méthode et la démarche du rite français pour renouer avec ses fondements originels.

Le rite français est porteur du désir d’émancipation et du rationalisme comme outil (maçonnique). Comme le souligne Charles Coutel : « Ce rationalisme hérité de la tradition humaniste, de Bayle, Descartes et Spinoza, a comme conséquence d’affirmer que les hommes sont responsables des malheurs qui les frappent. Ces malheurs ne sont pas des fatalités ou des punitions, et le souvenir réfléchi des préjugés, des passions et des fautes qui les expliquent est bien au centre du Rite français mais aussi des Lumières ». La lecture qui est proposée des cinq ordres montre la cohérence et la réelle filiation entre le rite français et les Lumières. La maîtrise qu’a l’auteur de ces questions, sa profonde connaissance des deux occurrences (Le rite français et les Lumières) et l’intelligente articulation des deux pôles séduisent et nous emportent. La virtuosité et la profondeur du savoir mobilisé dissolvent toutes les préventions que certains pourraient avoir quant à une approche plus rhétorique que démonstrative. Cependant, chez l’auteur, cela n’est pas le cas, car il manifeste une véritable préoccupation politique pour l’émancipation humaine, qui trouve sa voie à travers la démarche maçonnique.

L’auteur n’en reste pas là, il assigne à l’émancipation un but : la construction de la paix et de la concorde universelle, une exigence de tous les instants qui passe par le truchement de l’hospitalité et de la maîtrise de son paradoxe, lequel s’exprime dans le double sens du mot "hôte" : celui qui reçoit et celui qui est reçu. L’oubli de ce paradoxe nous plonge soit dans un irénisme total soit dans une xénophobie délétère. Une fois de plus le recours au rite français, qui fait de l’hospitalité un a priori à la fraternité en se méfiant de toutes les espérances eschatologiques, est mis en avant. Le rite mobilise chez le franc-maçon la capacité à faire la paix avec lui-même pour construire la paix dans le monde.

Ce livre conclut en abordant la question de la grandeur et des dangers d’un égalitarisme mal interprété qui risquerait de compromettre notre désir de grandeur. Comme à son habitude, l’auteur met en lumière les illusions auxquelles nous nous accrochons. Sur ce dernier point, il est essentiel d’éviter les écueils de la grandeur héritée (penser que nous sommes grands parce que nous l’avons été par le passé) et de la grandeur eschatologique (croire que nous serons grands à l’avenir uniquement par une reconnaissance future). La grandeur maçonnique proposée consiste à être droit, à se redresser, à s’instituer, c’est comme le dit Charles Coutel une école de courage, de vaillance, de fraternité par la sagesse en gardant toujours à l’esprit l’opposition entre magister et dominus.

Thierry Mesny

[1de la franc-maçonnerie (note de la rédaction CLR).



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