20 février 2010
"L’Etat, trop "pauvre" pour financer les services publics qui sont d’intérêt général, est assez riche pour financer des écoles privées religieuses alors que l’école publique, ouverte à tous, manque cruellement de moyens et de postes (14 000 suppressions de postes en 2009). L’Etat est aussi assez riche pour aider les banques qui ont joué au loto et provoqué la crise actuelle. S’agit-il de revenir à la formule d’un capitalisme sauvage doté du "supplément d’âme d’un monde sans âme"(Marx, Critique du droit politique hégélien) ?
La flatterie politique à l’égard des religions est rarement innocente. Elle les instrumentalise à des fins de compensation illusoire et mystifiante. Ce n’est pas la religion comme telle que la laïcité combat, mais cette instrumentalisation. La laïcité, c’est l’égalité de traitement de toutes les convictions, sans discrimination entre athées et croyants. La religion ne doit engager que les croyants et eux seuls. Il faut donc rétablir un principe de simple bon sens : l’argent public pour les services publics. Le pouvoir actuel bafoue régulièrement la laïcité, tout en s’inscrivant dans une dangereuse logique de choc des civilisations.
Il est clair que le débat sur l’identité nationale, assorti de la formulation contestable du président de la République ("la burka n’est pas bienvenue en France") constitue un contexte suspect et déplorable qui risque de disqualifier une cause juste (la laïcité) en la détournant vers un nationalisme d’exclusion qui joue un rôle évident de diversion par rapport à la gravité humaine et sociale de la crise en cours. Mais le détournement d’une cause juste invalide-t-il celle-ci ? Non, à l’évidence.
On doit donc contrer cette tentative de diversion, et mener le combat laïque en termes justes, aux antipodes d’une territorialisation nationaliste. L’opposition du national et de l’étranger est nauséabonde. Cela veut dire qu’il n’y a pas à rejeter une tenue parce qu’"elle n’est pas de chez nous", mais parce qu’elle est incompatible avec le droit et la liberté des femmes. Si c’est le cas du voile intégral ou du voile partiel, ce n’est pas seulement en France qu’il n’est pas "bienvenu". C’est partout dans le monde.
Nous avons un devoir de solidarité à l’égard des femmes qui, en Iran et partout dans le monde, refusent le voile. Il en va de nos responsabilités internationalistes. Que diront ces courageuses militantes si la République laïque à laquelle elles se réfèrent comme à un exemple consacre le port du voile qu’elles combattent ?
Nous leur devons notre soutien, et nous faillirions à notre devoir de solidarité en acceptant pour des personnes qui prendront part à la conduite des affaires publiques une tenue aliénante. Un pays laïque représenté par des élues voilées ? Quelle étrange façon de soutenir l’émancipation des femmes et la laïcité, ou de combattre l’exclusion sociale !
Quelle désolidarisation à l’égard de ces personnes qui risquent leur vie pour l’émancipation laïque ! Nul sacrifice d’une émancipation au nom d’une autre n’est en l’occurrence acceptable. Marianne ne porte pas le voile de la soumission, mais le bonnet phrygien des esclaves affranchis."
Lire “Il n’est pas acceptable de sacrifier l’émancipation laïque à la libération sociale”.
Voir aussi dans notre Revue de presse la rubrique Voile & vêtements.
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