(G. Kepel, lexpress.fr , 6 nov. 23). Gilles Kepel, professeur des universités, spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain. 6 novembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Gilles Kepel, Prophète en son pays, L’Observatoire, 6 sept. 23, 23 €.
Lire "Hassan Nasrallah, chronique annoncée d’un affrontement mondial, par Gilles Kepel".
"Claironné à grand renfort de publicité et écouté religieusement dans l’ensemble du monde arabe, le discours du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah le 3 novembre à l’heure du sermon du vendredi, a déconcerté la plupart des commentateurs qui s’attendaient à l’annonce d’une offensive militaire générale contre Israël. Cela les a empêchés d’en comprendre la signification profonde, alors même qu’il fixe le cadre du combat à long terme que mène, contre "l’ennemi", l’axe de la résistance animé depuis Téhéran et dont le parti de Dieu constitue le fer de lance.
Cet "ennemi" ne se limite pas à "l’entité israélienne" mais est incarné d’abord par les Etats-Unis d’Amérique, et au-delà par l’Occident croisé, colonialiste puis impérialiste à abattre. Se profilent en arrière-plan Moscou et Pékin comme alliés potentiels, au sein d’un système international dérégulé dont Téhéran, mentor du Hezbollah, souhaite tirer le meilleur parti dans la foulée de la razzia du 7 octobre, ce 11 Septembre infligé à Israël pour en faire à son tour un colosse aux pieds d’argile. [...]
Message : "l’axe de la résistance" est le champion de la cause palestinienne, antisioniste et anti-occidentale, face aux Etats arabes sunnites hostiles à l’Iran, qui apparaissent en creux comme des traîtres – qu’ils aient déjà signé la paix avec l’Etat juif, ou s’y soient prédisposés, ainsi l’Arabie saoudite ayant reçu officiellement, et pour la première fois, deux ministres israéliens les 26 septembre et 2 octobre. L’acquisition de la technologie du Dôme de fer par Riyad aurait en effet efficacement protégé son territoire des missiles des Houthis comme du Hezbollah irakien, enlevant à Téhéran un gigantesque moyen de pression sur son adversaire du Golfe.
Au moment où Antony Blinken revient dans la région pour s’efforcer, en négociant trêves contre libérations d’otages, de restituer le rôle central de médiateur des Etats-Unis afin d’éviter l’embrasement généralisé, porte-avions en Méditerranée et dans le Golfe à l’appui, le Hezbollah souffle sur ces braises incandescentes pour imposer "l’axe de la résistance" comme l’interlocuteur obligatoire. Il lui est primordial de contrer les pétromonarchies sunnites employant la diplomatie du chéquier à des fins humanitaires pour les Palestiniens victimes de l’invasion et des bombardements de la bande de Gaza, tout en ménageant leurs alliances avec l’Etat hébreu - même si le Hamas venait à être éradiqué à Gaza par l’offensive de Tsahal, au prix d’une hécatombe de civils. Par son discours, Hassan Nasrallah a rappelé de quels soutiens dispose l’Iran dans ce bras de fer à venir – et lesquels il peut engranger, à l’instar d’Erdogan dénonçant "la guerre menée par la croix contre le croissant", accueillant à bras ouverts le ministre iranien des Affaires étrangères et vitupérant Israël, dont les diplomates en poste à Ankara viennent d’être rappelés."
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales