Anne Rosencher, journaliste, directrice déléguée de la rédaction de "L’Express". 8 décembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Par Anne Rosencher
C’est l’histoire d’un président qui, depuis le 7 octobre dernier, n’a pas trouvé les bons gestes ni la bonne position pour parler de l’antisémitisme. Et qui, comme dans les sketchs à catastrophes, n’a cessé d’aggraver les choses en tentant de rafistoler ses erreurs. [...]
La France peut s’enorgueillir d’avoir été la première nation (et une des seules) à organiser une marche pour s’émouvoir de cet essor mondial de la haine antisémite. Dimanche 12 novembre, près de 180 000 citoyens se sont mobilisés dans plusieurs villes du pays, dont 105 000 à Paris. Ceux qui ont défilé ont pu voir des cortèges émaillés de drapeaux bleu-blanc-rouge et entendre, ici ou là, une Marseillaise entonnée dans un élan spontané de fraternité républicaine : c’était une manifestation dans la plus pure tradition de l’universalisme français. Le président n’en était pas, il avait fait valoir que son rôle ne consistait pas à manifester mais à agir. Dont acte. Il aurait dû s’en tenir là.
Car les phrases qu’il a ajoutées quelques jours plus tard, pour faire taire les critiques ont interloqué nombre de Français : revenant sur sa non-participation à la marche du 12 novembre, Emmanuel Macron a bricolé, depuis la Suisse, où il était en déplacement, quelques formules confuses. Dont une sur le fait que "protéger les Français de confession juive, ce n’[était] pas mettre au pilori les Français de confession musulmane"… Comme si défiler pour exprimer sa solidarité envers les premiers constituait une trahison ou une provocation envers les seconds. Plus communautariste, tu meurs…
Mais le pire était encore à venir : dans les colonnes de L’Express, on apprenait que l’animateur radio communautariste Yassine Belattar (condamné pénalement pour menaces de mort) avait été reçu à l’Elysée quelques jours avant la marche, par des proches conseillers d’Emmanuel Macron, pour donner son avis sur la situation. [...]
Est-ce pour tenter de réparer ? Chose inédite, jeudi 7 décembre, Emmanuel Macron organisait l’allumage de la première bougie de Hanoukka en présence du grand rabbin Haïm Korsia au palais de l’Elysée. Que dire ? "Caramba, encore raté !", comme dans les bons Hergé. Le président ne le comprend-il pas ? Cet accroc historique dans notre laïcité est d’une désinvolture dangereuse. Contre l’antisémitisme, les Français juifs ont besoin de République, pas de Hanoukka à l’Elysée. En offrant l’abri d’une identité commune – la citoyenneté française –, l’universalisme républicain et la laïcité constituent un bouclier contre les haines identitaires. Ils permettent aux Français juifs, comme à d’autres, de n’être pas renvoyés à leur statut de minorité. Et, donc, de ne pas avoir à dépendre de la bienveillance du plus grand nombre. Le président doit être le garant de ce bouclier-là.
La République n’est pas censée reconnaître, ni accueillir, ni consoler les cultes ; elle protège ses citoyens. Si nous perdons de vue cette spécificité-là, alors tous les cierges et autres bougies ne suffiront pas à lutter contre l’obscurité qui monte."
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Fêtes religieuses dans Séparation,
la rubrique Emmanuel Macron (note de la rédaction CLR).
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