Coauteur du livre "La guerre scolaire" (Max Milo). 24 novembre 2017
"Ce livre est un travail militant, destiné à éclairer sur une situation de l’organisation scolaire qui contribue à désarticuler la République « laïque, démocratique et sociale » (Constitution actuelle). Il veut être un outil pour ceux qui veulent la défendre avant qu’il soit trop tard ; un outil pour tenter de faire tomber le mur de silence politico-médiatique qui masque la réalité. Comme l’outil ne pouvait être contesté s’il voulait être efficace, ce travail est donc le résultat de quelques années d’enquête minutieuse nourrie de documents et d’informations incontestables venant le plus souvent du Ministère de l’Education Nationale
Pourquoi avoir senti le besoin de mener enquête puis d’en rendre publics les éléments, quand on entend « ce n’est pas le moment », « il y a des préoccupations plus importantes » ?
Deux raisons principales que nous allons situer en 2012. D’abord, un constat à partir d’un département exemplaire, le Maine-et-Loire : au mépris de la Constitution, de la loi rassemblée dans le Code de l’éducation, des parents ne peuvent obtenir l’ouverture d’une école publique ou d’un collège pour leurs enfants ; ils se heurtent au refus des élus locaux. Ce n’est certes pas nouveau ni propre au 49. Ce qui est dérangeant, c’est l’attitude plus que passive de l’administration préfectorale et académique. Nous sommes en 2017 ; pendant 5 ans, on pouvait espérer une évolution conforme à la loi. La situation est demeurée bloquée.
Deuxième raison, toujours en 2012 : la nouvelle majorité vote le budget annuel de l’enseignement privé (11 milliards quand même) sans discussion, sans même vérifier s’il est en conformité avec les lois. J’alerte des responsables et députés réputés « laïques ». Que me disent-ils ? « Tu vas rallumer la guerre scolaire »....
« LA GUERRE SCOLAIRE » ? Pas besoin de la rallumer ! C’est celle que l’école laïque subit depuis sa création, organisée, entretenue par ceux que Victor Hugo nommait le « parti clérical », l’association des partis conservateurs et de l’Eglise Catholique. Il suffit de tirer le fil de l’écheveau.
Depuis sa création en 1882, l’école laïque subit une guerre sans trêve que le parti clérical mène sur deux terrains. D’abord en freinant son développement, que ce soit par le refus de créer des moyens nécessaires à son fonctionnement ; en freinant son extension dans les départements de l’Ouest principalement. Mais encore en rendant impossible toute réforme dont Jean Zay et le plan Langevin-Wallon avaient montré l’opportunité. Je n’oublie pas, dès la fin de la guerre, le refus du MRP, alors leader politique, d’ouvrir une telle perspective si n’y était pas lié le « statut » de l’enseignement privé que le parti clérical obtiendra avec les lois Debré et surtout Guermeur.
L’autre terrain, c’est l’organisation par le parti clérical d’une concurrence injuste et partisane au prix même d’une transgression de sa propre législation : par les avantages accordés aux établissements privés (catholiques à plus de 90%) ; par le dénigrement et la calomnie. Ainsi se met en place patiemment, par touches successives, la désarticulation de l’école laïque en autant de féodalités que de mouvements se réclamant d’une religion, de milieux sociaux, de langues, voire de partis si l’évolution continue son cours.
Sans redire l’histoire, ce que nous voudrions faire percevoir, ce sont les raisons, les armes, la cohérence de cette guerre déclarée dès le lendemain du vote de la loi qui créait l’enseignement « obligatoire, gratuit et laïque ». C’était à la fin de mars 1882 ; dès le lendemain, le parti clérical partait en guerre contre cet enseignement laïque qui serait dispensé dans des écoles publiques, qui pourrait être également dispensé dans des établissements privés ou les familles. J’ai bien dit : l’enseignement donné dans des établissements privés devait et doit être laïque ; telle est la loi ; il n’y a pas d’ "enseignement privé" en France ; cette expression n’a aucun support légal.... Ce n’est pas le seul détournement de sens ; vous savez comme moi que l’enseignement "libre" est bien celui dispensé par l’école laïque.et aucun autre.
Je voudrais attirer votre attention sur le plus récent et dramatique détournement de sens, selon lequel l’école laïque serait une école qui exclut, alors qu’elle a été fondée pour rassembler la jeunesse et a eu le succès que l’on sait : malgré les assauts répétés et les plus délirants, elle accueille toujours plus de 80% de la population scolaire. Détournement de sens d’autant plus dramatique qu’il est né au sein de mouvements historiquement laïques.
Si, à juste titre, la loi de séparation de 1905 a été et est défendue avec constance, on a complètement occulté l’autre loi de séparation. Car la République, pour s’affirmer face aux outrances cléricales vécues au XIXème siècle, a été conduite à marquer par la loi d’abord, en mars 1882 et 1886, la séparation des Eglises et de l’enseignement, puis en 1905 celle des Eglises et de l’Etat.
C’est ce que par tous les moyens, y compris les plus honteux, l’Eglise catholique et son alliée, la droite conservatrice, ont en constance combattu. Il faudrait être angélique pour croire que cette alliance, qui a régenté la société pendant plus de 1000 ans, se laisserait déposséder de ce pouvoir sans réagir
Devant cette guerre qui ne cessera jamais, l’administration de l’instruction Publique est conduite très vite à marquer concrètement la séparation des églises et de l’école. Elle le fait dans des « instructions générales » du 9 avril 1903 qui disposent que « les emblèmes religieux de quelque nature que ce soit ne doivent pas figurer dans les locaux scolaires ». C’est clair. Cette interdiction est reprise et élargie aux signes politiques par les circulaires de Jean Zay en 36 et 37. Rappelée en décembre 1944 par René Capitant, ministre du gouvernement du Général de Gaulle. Enfin elle figure dans un décret de 1985 concernant les collèges.
Cet ensemble de dispositions compose toujours la panoplie des consignes administratives. Il est dommageable qu’il ait été oublié. Car, si la loi de mars 2004 avait été située dans la continuité de ces dispositions, elle n’aurait pas été interprétée comme une loi d’interdiction de manifester son appartenance à la seule religion musulmane. Pire, elle n’était pas applicable aux établissements privés sous contrat, pourtant soumis aux mêmes règles que les établissements publics. Ce qui allait créer un mouvement d’aspiration d’élèves de confession musulmane par des établissements catholiques et inciter les associations musulmanes à créer leurs propres écoles. L’école laïque excluait des élèves que les établissements privés récupéraient au nom de la liberté !!! Les mouvements qui soutiennent le principe de séparation sont accusés d’islamophobie. Ils se heurtent à ceux qui, au nom de la liberté de religion, oublient, éliminent la première loi de séparation, la loi de 1882.
Il faut faire rendre justice à l’école laïque et rappeler son rôle. Parce que le ce rôle, loin de séparer, doit faire découvrir aux enfants, tout le champ de ce qu’ils ont en commun. C’est le premier lieu, après le cocon familial, où ils découvrent les autres, à la fois semblables et différents, un lieu en quelque sorte initiatique. Certes, ils laissent au porte-manteau de la classe ce qui les distingue, voire ce qui risque de les opposer plus tard. Dans la cour de récréation comme dans la chaleur de la classe, ils découvrent des enfants comme eux, mais différents ; leurs différences ne contrarient pas l’envie qu’ils ont de jouer ensemble. "Former sans conformer" disait joliment Jean Rostand, dans la continuité de Condorcet qui appelait déjà un enseignement universel dans des écoles séparées des Eglises.
Oui, il y a une alternative, c’est la scolarisation des enfants selon les choix religieux, sociaux, politiques, géographiques des parents...C’est la dislocation de l’école laïque au nom d’une liberté fallacieuse. Pendant combien de temps va-t-elle encore résister ?
Vous l’avez compris, le travail que nous avons fait n’a de sens que s’il bouscule les indifférences, s’il parvient à faire tomber le mur du silence, à faire pressentir les périls et enjeux qui pressent notre société : unité, indivisibilité ou communautarisme. Je le redis, ce livre est un outil ; il est destiné à servir. C’est un argumentaire. Utilisez-le sans retenue, avant qu’il soit trop tard."
Comité Laïcité République
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