par Gérard Durand. 30 janvier 2020
[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Guillaume Pitron, La Guerre des métaux rares, éd. Les Liens qui libèrent, 2018 (oct. 2019 en poche), 250 p., 20 €.
La lecture de cet ouvrage devrait être rendue obligatoire pour tout candidat à une élection nationale, avec examen éliminatoire à la clé tant il redessine par une formidable enquête le monde de demain et les forces capables de le dominer par leur pouvoir technologique.
Les métaux et terres rares ont permis d’accélérer le développement des nouvelles technologies et nous en avons tous dans nos téléphones, nos ordinateurs nos voitures et nos appareils domestiques. Ils sont très nombreux et pour la plupart inconnus de la grande majorité des utilisateurs. Qui a entendu parler du nobium, du galium, du lutécium ou de la monazite, qui sait que nous aurons grand besoin de graphite, d’étain et d’indium pour nos vies connectées ? Très peu de gens et pourtant toute la structure de nos sociétés repose sur ces familles de produits.
Ces terres et métaux sont rares d’abord par leurs formidables propriétés chimiques notamment en conductibilité, mais surtout parce qu’on ne les trouve que dans peu d’endroits et répartis en très petites quantités dans d’autres roches, l’auteur les compare à la pincée de sel que le boulanger va jeter dans son pétrin. Fini les mines de charbon ou de fer mais bonjour aux carrières géantes nécessaires à leur extraction et ce n’est pas une mince affaire.
Prenons quelques exemples simples. Il faut extraire une tonne de roches pour 5 à 7 grammes de platine, seize tonnes pour un kilo de cerium, cinquante tonnes pour un kilo de gallium et le chiffre ahurissant de mille deux cents tonnes pour un kilo de lutécium. Et cela n’est rien car ces roches doivent être broyées et l’extraction des métaux qu’elles contiennent rend nécessaire de grandes quantités de produits chimique les plus polluants dont une bonne partie est rejetée dans la nature, polluant comme en Chine des fleuves entiers.
Ces métaux permettent le fonctionnement de nos portables et de nos ordinateurs, ils permettent la mise en place de panneaux photovoltaïques beaucoup plus performants et semblent garantir la progression vers une énergie verte quasi inépuisable mais ils ont aussi quelques inconvénients.
Tout d’abord ils ne sont pas recherchés pour les seules applications pacifiques, les militaires en sont encore plus friands car ils savent devoir se préparer pour d’éventuels conflits sans pétrole, créer des armées de robots tueurs, d’avions indécelables par les radars, et de réseaux informatiques impiratables. Ensuite ils nécessitent pour les produire de colossales quantité d’énergie et chacun aura compris au vu des chiffres annoncés que les dégâts écologiques liés à leur exploitation sont bien pires que ceux déjà trop importants du charbon et du pétrole.
Mais le point crucial n’est pas là, il réside dans le fait que la grande majorité de leurs gisements se trouvent en Chine, ce qui pose un problème géostratégique majeur car la Chine a bien compris le pouvoir que cet aléa géologique lui donne et a très vite réservé sa production d’une part à ses propres besoins mais aussi aux besoins occidentaux à la condition qu’ils installent leurs usines de traitement chez elle, ce qui lui permet de pirater sans vergogne les secrets industriels les mieux gardés. Le résultat est qu’une grande partie de nos technologies, vertes et militaires dépend du bon vouloir Chinois. Pour être certain que le Président Trump ait bien compris le message, au lieu de répondre à ses rodomontades Xi Jing Ping s’est contenté d’aller visiter, à grand renfort de médias une usine de traitement de métaux rares chinoise.
En dire plus serait réécrire le livre tant il fourmille de précisions sur cette saga, se lit comme un roman et situe bien le cadre de la société de demain, non seulement pour ce qui concerne les métaux rares mais tous les métaux y compris ceux, comme le fer ou l’aluminium que l’on croyait inépuisables. Dans les trente années à venir, le développement de nombreux pays et la croissance démographique vont rendre nécessaire autant de métaux que lors des 70 000 dernière années (vous avez bien lu). Comment les trouver et à quel prix écologique et financier. On ne sait pas. Autant se préparer à gérer la pénurie. Mais Guillaume Pitron se refuse au pessimisme et trace avec prudence quelques solutions. L’avidité à court terme du capitalisme financier permettra-t-elle de l’entendre ? Pas sur !
Gérard Durand
Comité Laïcité République
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