2 novembre 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Pierre Dac et Francis Blanche sont de retour sur CNews ! Un chroniqueur de la chaîne a déployé en direct le fameux « tatouage » représentant la prise de la Smala d’Abdel Kader par les troupes du duc d’Aumale, l’image étant, par pudeur, coiffée de la casquette du Père Bugeaud. Et, pour l’avoir vue, on l’a vue, la casquette, la casquette ! Son exhibition semble considérée comme l’événement politique le plus considérable depuis le don de la personne du Maréchal à la France. Avec un sens du zummour consommé, le chroniqueur conclut : « C’est ça, être français » .
Le Français est donc celui qui se reconnaît dans toute incarnation momentanée de la France, non dans les minorités qu’il fut nécessaire de massacrer pour assurer le triomphe et la gloire de la patrie. S’agissant de la conquête de l’Algérie, M. Zemmour, avec un « z » comme dans « zouave », se reconnaît en la personne du Père Bugeaud, et tant pis pour les Arabes, les Berbères et les juifs, massacrés.
En étendant le raisonnement à toutes les périodes de l’histoire, les Occitans sont priés de se situer dans le sillage de Simon de Montfort, qui en a occis tant qu’il pria Dieu de reconnaître les siens. Les protestants devront enfin admettre le bien-fondé de la Saint-Barthélemy, se ranger à l’idée que, la France, c’est le duc de Guise, la Ligue, ou à l’extrême rigueur le duc d’Anjou, futur Henri III, brandissant son épée rougie de sang huguenot. L’édit de Nantes n’étant qu’un épisode communautariste, il faudra, pour être français, se reconnaître en Louis XIV, saluer ses valeureux dragons pourchassant le parpaillot dans les vallées cévenoles. C’est qu’il faut en finir avec cette histoire romancée par de mauvais Français, Alexandre Dumas, Victor Hugo, Maurice Druon et tant d’autres.
Il est temps de choisir Richelieu et Mazarin contre un quarteron de mousquetaires indisciplinés. De cesser toute complaisance envers une danseuse rom, défendue par un handicapé, et de se sentir français par le diacre de Notre-Dame ! Soutenir Philippe le Bel, c’est ça, être français, plutôt que de s’attacher aux templiers, en accordant foi à la malédiction lancée du haut du bûcher par l’hérétique Jacques de Molay. Un Français, monsieur, se situe du côté de l’ordre, il approuve la justice du Roy et de l’Eglise et n’écoute pas les lamentations du délinquant François Villon. On ne se situe pas du côté des pendus.
La France doit assumer ses bourreaux, à toutes les époques. Reconnaître le génie national dans le raffinement des supplices du brodequin et de la roue, c’est ça, être français ! Il faudra, aussi, en finir avec le culte des Gaulois. Quand Jules César avance avec ses légions, il massacre des Arvernes et diverses tribus de Gaule. Devons-nous choisir ces communautés, ou ce qui, incontestablement, jeta les bases de la France et de sa langue ? Se situer du côté de Jules César, en finir avec la vision d’Uderzo et Goscinny, ces enfants d’immigrés, c’est ça, être français !
S’il revient devant une convention de la droite, M. Zemmour osera-t-il appliquer le même raisonnement aux Chouans et aux Vendéens ? Dira-t-il que, être français, c’est se situer du côté du général Turreau et de ses colonnes infernales, c’est préférer Jean-Baptiste Carrier aux Nantais qu’il fit noyer dans la Loire et Fouché aux Lyonnais fusillés en masse ?
Devant la vieille droite rénovée, il serait plus prudent de faire applaudir la Terreur blanche de 1815 et la semaine sanglante de 1871. Pour le grand public, mieux vaut s’en tenir au général Bugeaud, qui servit Napoléon, les Bourbons puis Louis-Philippe et se déclara prêt à écraser dans le sang la Révolution de 1848. Car le Père Bugeaud n’était pas regardant quant à la religion de ses victimes.
En février 1848, pour sauver le trône chancelant de Louis-Philippe, il s’écria : « Eussé-je devant moi 50 000 femmes et enfants que je mitraillerais. » Ce propos, que rapporte Victor Hugo, n’emporta pas l’adhésion de Louis-Philippe, qui eut la sagesse de préférer l’exil au massacre. Cette fois, il ne s’agissait pas d’Arabes ni de juifs, mais des Parisiens, qui, las des monarques, proclamèrent la IIe République. Celle de Lamartine, de Victor Hugo, de Louis Blanc et de Victor Schœlcher. Et se situer de leur côté, non de celui des massacreurs, c’est ça, être français."
Voir aussi Marianne : "Le réveil des classes moyennes" (1er nov. 19) (note du CLR).
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