Revue de presse

G. Konopnicki : “La Saint-Barthélémy de la laïcité” (Marianne, 27 août 11)

27 août 2011

“L’Hôtel de Ville de Paris a accueilli une belle veillée destinée à marquer la fin du ramadan. [...]

Pour accueillir une grande religion sous les ors de la République, Bertrand Delanoë avait choisi la date idéale. Car cette belle fête se déroulait le 24 août, jour de la Saint-Barthélémy. [...] La religion intolérante a laissé dans Paris une trace indélébile de sang, un 24 août, jour choisi par la mairie pour un manquement, certes festif, à la laïcité.

Si les républicains n’eurent de cesse de brouter la religion hors de la vie publique, de séparer les églises de l’Etat, c’était pour ne jamais revoir les effets de l’intolérance. La Saint-Barthélémy, les dragonnades, le supplice du chevalier de La Barre et le souvenir de toutes les victimes de la justice d’Eglise avaient marqué les esprits. Le mortier de l’histoire a construit la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il y a bien longtemps, hélas, que la gauche n’est plus la gardienne farouche de cette barrière ! Force est de reconnaître qu’elle dirige la Mairie de Paris sans aucun sectarisme. Elle a reconduit sans sourciller toutes les subventions jadis octroyées par le bon Jacques Chirac à tous les établissements confessionnels, crèches, écoles et collèges, de toutes obédiences. Bertrand Delanoë présente ses vœux au nouvel an chinois, juif, bouddhiste, hindouiste, il est naturel qu’il salue de la même manière la grande fête musulmane. Mais le traitement particulier de l’islam, invité dans les salons de la maison commune, a des résonances coloniales. Les républicains avancés d’autrefois bouffaient du curé à Paris tout en considérant les imams avec le respect dû aux représentants des indigènes coloniaux. [...]

Le colonialisme définissait les populations dites indigènes par la religion. [...] Transposé en France, ce bon vieux paternalisme colonial permet de traiter des citoyens français et des travailleurs étrangers avec toute la condescendance due aux populations méprisées. Il est dans Paris des quartiers que notre bonne gauche ne peut regarder sans quelque effroi. C’est fâcheux, mais tous les pauvres n’ont pas encore été renvoyés de l’autre côté des boulevards de ceinture. Il faut bien faire quelque chose pour ceux qui vivent dans ces vieux logements sociaux enclavés entre les colonies de peuplement néobourgeoises. Le plus simple, c’est de procéder comme autrefois, en distinguant les populations. Le maire de Paris a l’extrême bonté de montrer tout l’intérêt qu’il porte à la culture de l’islam et aux musulmans. Mais, attention, la laïcité est presque sauve : officiellement, le ramadan a été célébré à l’Hôtel de Ville dans sa dimension culturelle.”


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