Revue de presse

G. Chevrier : « Comme l’a dit Thierry Henry, Saint-Denis n’a pas grand-chose à voir avec Paris » (lefigaro.fr , 10 mai 22)

Guylain Chevrier, docteur en histoire, enseignant et formateur en travail social, vice-président du Comité Laïcité République. 11 mai 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"L’ancien attaquant de l’équipe de France a déclenché une polémique en insistant sur le fait que « Saint-Denis n’est pas Paris ». Pour Guylain Chevrier, ces propos ont le mérite de rappeler la réalité de la délinquance et du communautarisme dans cette ville.

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Le Stade de France à Saint-Denis accueillera prochainement la finale de la Ligue des Champions entre le Real Madrid et Liverpool. Sur un plateau de télévision américain, Thierry Henry, meilleur buteur de l’équipe de France et ancien joueur d’Arsenal, a tenu à préciser que la rencontre ne se jouerait pas à Paris : « Techniquement, le stade est situé à Saint-Denis. Saint-Denis, ce n’est pas Paris. Croyez-moi, vous ne voulez pas être à Saint-Denis, ce n’est pas la même chose que Paris ». Cette phrase a suscité la colère du maire de la ville.

Mathieu Hanotin a réagi sur son compte Facebook : « Le mépris avec lequel vous avez caractérisé notre ville n’est pas acceptable. ». Il a ajouté : « Nous ne sommes pas Paris, mais nous ne sommes pas infréquentables pour autant. », pour préciser « La situation des banlieues aujourd’hui est le résultat d’une concentration de la pauvreté en périphérie de Paris et d’un abandon de l’État pour les quartiers populaires (…) Cet échec des politiques publiques ne devrait pas être prétexte à railleries de la part des personnalités connues. »

On notera que le maire reconnaît d’une certaine façon le problème, puisque lui-même évoque « la situation des banlieues », abandonnées selon lui par l’État. Des mots forts pour justifier implicitement que tout n’est donc pas rose à Saint-Denis. Il donne ainsi raison à la remarque de Thierry Henry. Il n’est bien sûr pas question pour le joueur de football ni pour nous-mêmes, d’incriminer les Dyonisiens, habitants de Saint-Denis, mais d’évoquer la réalité d’une ville, de longue date, enkystée dans des problèmes que l’on ne saurait nier.

Quelques chiffres sur la délinquance de la circonscription de sécurité publique de Saint-Denis, dont dépend la ville de Saint-Denis (l’Internaute et l’ONDRP, pour mille habitants). Pour s’en tenir à deux domaines significatifs :
Violences aux personnes : 36,39% contre 20,56% en Seine-Saint-Denis, 13,12% en Île-de-France et 10,64% en France ;
Vols et dégradations : 58,5%, plus du double de la moyenne nationale.

L’accueil massif dans le parc social de personnes immigrées dans un contexte économique déprimé, au niveau de revenu et d’étude inférieurs à la moyenne, poussant à la disparition de la mixité sociale, contraire aux conditions d’une intégration réussie, n’est-il pas une cause majeure des difficultés ? N’est-ce pas possiblement créer des fractures qui produiront chez certains de la délinquance, inévitablement ? L’augmentation régulière du nombre d’étrangers parmi les écroués, qui représentent environ un quart d’entre eux alors qu’ils ne sont que 5,1 millions dans notre pays et donc, que 7,6 pour cent de la population selon l’Insee, ne doit pas attirer l’attention ici ? Et si l’on prend pour référence la nationalité des parents d’écroués, les chiffres s’envolent. Est-ce aider à résoudre le problème que détourner le regard, crier au scandale ?

Du fait même de l’homogénéité religieuse et culturelle de cette immigration, on favorise un enfermement communautaire pour ne pas dire communautariste, encore moins favorable à une intégration réussie. D’où un autre lien entre enfermement communautaire, rejet de l’intégration jusqu’à celui de la France, terreau favorable au hors-la-loi, voire la radicalisation. Une politique renforcée par son pendant, le clientélisme politico-religieux.

Pour la cérémonie de l’Aïd-el-Fitr (célébration de la fin du mois de jeûne), on a mis à disposition le stade Auguste-Delaune de Saint-Denis, équipement public financé par les deniers publics, où se sont réunies plus de 6000 personnes. À cette occasion, Stéphane Peu, député, a cru légitime de dire son « engagement indéfectible à défendre les musulmans de France, qui ont été souvent attaqués ces derniers mois » selon lui, et appelé à montrer le « bon visage de la Seine-Saint-Denis », celui « d’une société multiculturelle et multiculturelle qui sait vivre ensemble en se respectant ». Voilà comment on en appelle au vote de nos concitoyens de confession musulmane, en le captant sous couvert d’un sentiment de victimisation au regard de leur religion. Est-ce cela le remède ? C’est du poison pour notre cohésion sociale !

On se souviendra du discours de Gérard Collomb quittant le ministère de l’Intérieur en 2018, pointant « la couronne parisienne » pour dire que dans certains quartiers « la situation est très dégradée (…) c’est la loi du plus fort qui s’impose, celle des narcotrafiquants et des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. », et d’ajouter « On vit côte à côte, je crains que demain on ne vive face à face ».

On ne saurait oublier le témoignage de Fewzi Benhabib, universitaire algérien réfugié en France après avoir été sur la liste des islamistes dans son pays, intitulé : « Saint-Denis, ma ville à l’heure islamiste » : « À Saint-Denis, une fracture s’est ouverte que mon expérience algérienne m’empêche d’ignorer. Elle se creuse là, le long des trottoirs, au milieu des rues, au marché le dimanche et, pourtant, des citoyens politisés refusent de savoir qu’un projet de société alternatif, obscurantiste et communautariste ronge le ciment démocratique d’une société qu’ils veulent – que nous voulons tous – plurielle. » J’en conseille la relecture à Monsieur Hanotin.

Aussi, ce que dit sur le sujet Didier Daeninckx, homme de gauche s’il en est, qui confiait son inquiétude en 2016 dans un article du journal Marianne , intitulé « l’islamisme à Saint-Denis, “une réalité niée et évitée du regard” » Et le départ de dizaines de milliers de familles juives de certains quartiers de banlieues, par crainte des actes antisémites qui se multiplient, de plus en plus violents, ça n’existe pas non plus ?

Lors de la campagne présidentielle de 2017, Monsieur Hanotin était le directeur de campagne de Benoît Hamon qui parlait d’« hystérie » en France contre l’islam, pour dire que « La laïcité est devenue le prétexte commode à une offensive aussi virulente que désordonnée contre l’islam ». Il déniait ainsi la montée de l’islam radical et du communautarisme. Le texte que le parti de Monsieur Hanotin vient de signer avec la France insoumise, comme accord électoral en vue des élections législatives, est expurgé de toute référence à la laïcité, pourtant valeur et principe historique de la gauche.

Il faut ainsi mettre un certain bémol au regard porté par le maire de Saint-Denis sur l’état de sa ville et de la banlieue. Rappelons au passage que l’État, loin d’abandonner les populations en difficulté leur donne, en France, quelles que soient leurs origines, couleurs, religions, les mêmes droits sociaux. Du côté de la politique de la ville, ce ne sont pas les milliards qui ont manqué, mais peut-être de les utiliser à bon escient, autrement dit, en menant une politique républicaine fondée sur l’égalité et la laïcité. Nous n’en serions sans doute pas là. C’est cela qu’il faut faire !

À l’opposé, on cherche trop souvent à acheter la paix sociale auprès de responsables religieux, ce qui ne résout rien, au contraire, aggrave les difficultés en fragmentant un peu plus.

C’est la République qui a été le plus souvent abandonnée dans les quartiers, avec la complicité d’élus, jouant contre l’unité de la nation, contre l’égalité et la liberté. La fraternité, c’est lorsque l’on se reconnaît d’abord comme des égaux, alors on peut se mélanger, faire société, sinon on se divise, jusqu’au danger de l’affirmation d’une nation dans la Nation, et de l’affrontement. Merci à Thierry Henry pour avoir donné l’occasion de ce rappel."

Lire « Comme l’a dit Thierry Henry, Saint-Denis n’a pas grand-chose à voir avec Paris ».



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