Revue de presse

G. Biard : "Mélenchon, poil au menton" (Charlie Hebdo, 8 juin 22)

Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 10 juin 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"La politique n’est pas toujours un éternel recommencement. Ainsi, ces élections législatives 2022, bien que guère enthousiasmantes, offrent un enjeu inédit. Que l’on pourrait résumer ainsi : Jean-Luc Mélenchon va-t-il entrer dans l’Histoire comme le meilleur joueur de poker menteur du XXIe siècle  ? Force est de reconnaître que, jusqu’ici, c’est lui qui mène le jeu, coup de bluff après coup de bluff.

Après avoir raflé la mise de gauche au premier tour de la présidentielle grâce à la bonne blague du « vote utile », il a poussé l’avantage en maquillant une défaite en victoire, au risque de faire oublier que c’est malheureusement une nouvelle fois ­l’extrême droite, et non la gauche, « unie » ou pas, qui s’est qualifiée pour le second tour, et a obtenu au total le plus de voix – si l’on additionne les scores de ­Marine Le Pen, d’Éric Zemmour et de Nicolas Dupont-­Aignan, on obtient 32,28 %, contre 31,94 % pour toute la gauche, NPA et LO compris… Puis, il a sorti de sa manche le dé pipé de son « élection » comme Premier ministre, pour s’imposer à la tête d’une coalition au nom baroque – Nouvelle Union populaire écologique et sociale, Nupes –, censée rejouer le programme commun dans un hypothétique « troisième tour » face à Emmanuel Macron.

Chapeau au vieux renard : il a fait une razzia dans le poulailler socialo-écolo et les a plumés d’à peu près toutes les circonscriptions gagnables. Car du côté des candidats LFI, à ce niveau, il devient ridicule de parler de parachutages. C’est carrément l’opération Overlord. Seuls épargnés : les 11 députés sortants communistes, qui restent candidats dans leur fief.

Jean-Luc Mélenchon a trop de bouteille dans l’appareil politique pour méconnaître les institutions de la Ve République. Il sait fort bien qu’un Premier ministre n’est pas élu. C’est le président de la République, et lui seul, qui le choisit. Comme il l’entend. Certes, s’il ne veut pas risquer une crise institutionnelle et voir le gouvernement chuter avant même d’avoir été formé, le chef de l’État a tout intérêt à nommer une personnalité issue de la force sortie vainqueure des législatives. Mais, à supposer que la Nupes remporte bien la victoire promise par Mélenchon, le leader de LFI, malgré ses fanfaronnades, n’est pas assuré d’entrer à Matignon pour autant. Emmanuel Macron pourrait avoir l’esprit farceur et être tenté d’éprouver la solidité de cette coalition en désignant une autre figure de cette gauche qui ne sait plus où elle habite. Olivier Faure, par exemple, ou Julien Bayou, ou Fabien Roussel, histoire d’être vraiment disruptif. Ou encore Sandrine Rousseau, puisqu’il lui faut une femme. Et tiens, pour vraiment rigoler, pourquoi pas Ségolène Royal, puisqu’elle aussi a fait allégeance à Méluche  ? Ce ne serait ni scandaleux, ni aller contre le résultat des urnes, puisque chacun, dans la Nupes, s’est enga­gé, promis, juré, à porter les 650 mesures du programme gouvernemental. Et cela permettrait de voir jusqu’à quel point Mélenchon a le sens de l’humour… Et surtout, jusqu’à quel point il est capable de mettre son ego en sourdine pour servir au mieux le bien commun.

Nous n’en sommes pas encore là. Pour l’heure, on peut simplement souhaiter que, oui, la gauche – laïque et universaliste, de préférence – remporte le plus de sièges possible à l’Assemblée, tout en se demandant si, au fond, Jean-Luc Mélenchon n’a pas déjà ce qu’il souhaitait plus que tout au monde : trôner en Líder Máximo de la gauche, faire une OPA inamicale sur l’écologie, on ne peut plus porteuse par les temps qui s’annoncent, et humilier, voire éradiquer, les socialistes – ce en quoi il a du temps à perdre, car ils se débrouillent très bien tout seuls."

Lire "Mélenchon, poil au menton".


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) (note du CLR).


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