Revue de presse

G. Biard : La Première ministre finlandaise cible de "cette rectitude morale baignée de protestantisme luthérien" (Charlie Hebdo, 31 août 22)

Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 1er septembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"Ah  ! le fameux « modèle nordique », si souvent invoqué quand un de nos politiques indélicats est pris les deux mains dans le pot de confiture ou le plat de homard… Cette rectitude morale baignée de protestantisme luthérien, qui oblige tout responsable public à démissionner dès lors qu’il a commis une faute ou utilisé l’argent du contribuable de façon « inappropriée ». Tout dernièrement, c’est la Première ministre finlandaise, Sanna Marin, qui a subi les rigueurs de ce vertueux modèle. Pas pour des histoires de fric, mais de fiesta : des vidéos la montrant en train de danser et de s’éclater au milieu de ses amis, lors d’une fête 100 % privée, ont déclenché un tsunami d’indignations, tout particulièrement, on s’en doute, chez ses adversaires politiques, qui ont réclamé sa démission. Accusée de s’amuser au lieu de bosser, elle a même dû faire un test de dépistage de drogue – qui s’est révélé néga­tif – pour couper court à certaines insinuations…

Signe des temps 2.0, le « scandale » n’a pas été révélé par les médias, qui n’ont fait, comme souvent, que suivre assidûment le mouvement, mais par les réseaux sociaux. Jouant sans surprise leur rôle d’accélérateur de particules à âneries et de tribunal d’exception, ils ont enclenché et nourri la polémique. Le reste, tout le reste, a suivi. Sanna Marin a été clouée au mur de la honte et, si elle n’a pas démissionné, a dû se justifier et faire acte de contrition pour avoir simplement passé une soirée privée comme elle l’entendait. Ce qui, dès lors qu’elle n’a rien fait d’illégal et que cela n’a aucune conséquence sur la vie des Finlandais, ne regarde qu’elle.

Que les utilisateurs compulsifs de Twitter, Facebook, Instagram et autres TikTok considèrent que la vie privée n’existe pas et que rien ne doit être soustrait à leur jugement de piliers de comptoir numérique n’a en soi rien d’étonnant. Ils sont à la fois le moteur et le carburant d’une industrie « new tech » où la vie privée est la principale, sinon la seule, source de profit. Mais quand les médias « traditionnels » choisissent, parce qu’ils ont désormais l’obsession du buzz et de l’info instantanée, de faire du brouhaha binaire de la Toile leur principale source éditoriale, c’est beaucoup plus problématique. Pour ce qui est du débat d’idées et de l’information, les ­réseaux ­sociaux se situent quelque part entre la presse people et les pires torchons à sensation. En passant leur temps à relayer et à commenter les échanges qui s’y déroulent, les médias « sérieux » les rejoignent dans le même caniveau. [...]"

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