Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 3 novembre 2020
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"L’assassinat de Samuel Paty a déclenché de la part de l’État une cascade de réactions à la mesure du choc ressenti par les institutions et l’ensemble de la société. Un certain nombre d’organismes et d’individus ont été mis en cause ou se sont retrouvés dans le collimateur des autorités. Il est question de fermeture de lieux de culte, d’interdiction d’associations, d’expulsion de « fichés S » et, bien entendu, de mises en examen diverses. Jusqu’à la direction bicéphale de l’Observatoire de la laïcité, organe gouvernemental censément chargé de faire respecter ce principe constitutionnel, qui est visée. Sur ce point, il est plus que temps. Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, respectivement président et rapporteur général, sont à la laïcité ce que Chevallier et Laspalès sont à l’humour : un contresens de très mauvais goût.
Du côté des partisans du vivre-ensemble inclusif et de la lutte contre l’« islamophobie », on parle de « purges », de « surenchère », de « répression » aveugle et disproportionnée. Chez les mis en examen, on se déclare « abasourdi ». On en appelle à une « laïcité d’apaisement » – c’est semble-t-il la nouvelle trouvaille des anti-laïcs, après la « laïcité ouverte » et la « laïcité positive » –, dans laquelle l’État se tiendrait soigneusement à l’écart des affaires religieuses. Bref, on ne comprend pas un tel acharnement. Expliquons donc, une fois encore.
En France, la séparation des religions et de l’État repose sur un principe clair : ce sont les religions qui doivent se tenir à l’écart des affaires de l’État, et non l’État qui doit se tenir à l’écart des affaires religieuses. Quand le religieux s’immisce dans des domaines qui relèvent de l’État, ou met en péril la société et sa cohésion, l’État intervient. La loi de 1905 n’est pas une loi d’« apaisement », c’est une loi d’ordre public – les cultes ne dépendent pas du ministère du Bien-Être, mais du ministère de l’Intérieur. Elle punit de prison quiconque prononce ou diffuse, dans le cadre de l’exercice d’un culte, des discours qui appellent à résister à la loi, à enfreindre les principes fondamentaux de la République ou à opposer des citoyens les uns aux autres. Elle ne dit pas que l’État reconnaît toutes les religions, mais qu’il n’en reconnaît aucune. Ce qui signifie que les croyances religieuses sont des idées comme les autres. Elles ont droit de cité, comme toutes les autres idées, mais quand elles se révèlent politiquement ou socialement malfaisantes et dangereuses, on les combat, comme toutes les idées malfaisantes et dangereuses.
On ne peut pas empêcher les gens de penser ce qu’ils veulent – et c’est heureux. Mais on peut empêcher qu’une pensée se diffuse si l’on juge qu’elle est contraire aux principes fondamentaux démocratiques ou qu’elle constitue une menace. À plus forte raison une menace de mort. Certains lieux de culte, certaines associations, comme le Collectif Cheikh Yassine, certains individus, comme le parent d’élève auteur de la vidéo contre Samuel Paty ou l’« imam » Abdelhakim Sefrioui, sont des vecteurs de diffusion d’une idéologie politique totalitaire et haineuse. Que l’on veuille les empêcher de nuire davantage n’a rien d’illégitime. Ni d’antidémocratique. La fermeture de structures, la dissolution d’associations, l’interdiction d’exercice, la mise en examen d’individus font partie des outils à la disposition de la justice dans tous les États de droit.
Bien sûr, on peut s’interroger sur l’efficacité d’une loi ou d’une mesure. Mais l’efficacité s’éprouve sur le long terme. Dans un premier temps, la question qui prévaut est celle de la nécessité. Sachant que combattre l’islam politique sous toutes ses formes, et faire taire tous les prêcheurs de haine religieuse déguisés en samaritains sociaux, est le meilleur service à rendre aux croyants. Et à tous les citoyens."
Comité Laïcité République
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