28 février 2015
"La polémique suscitée par l’emploi de l’expression « Français de souche » par François Hollande révèle les contradictions de plus en plus étouffantes du sémantiquement correct.
La liberté d’expression n’est pas un long fleuve tranquille. Le président de la République l’a encore vérifié. Lors du dîner du Crif, après une journée de polémiques provoquée par Roger Cukierman, François Hollande est sorti du lexique du vivre-ensemble. Cette novlangue où la France n’est qu’un « nous inclusif et solidaire » parsemé de « quartiers » peuplés de « jeunes » (dont certains basculent dans le « fanatisme ») qui souffrent d’être « stigmatisés » et sont « trop souvent » victimes d’« amalgames ». Un centième de seconde, l’esprit du 11 janvier a cessé de souffler, et le président de la République a parlé dans une autre langue, celle des bistrots et des vignerons : il a dit « Français de souche ». De Gaulle l’avait dit avant lui à la télévision, mais c’était il y a mille ans : en 1960. L’Algérie était française et les dénominations administratives distinguaient alors les FSE, « Français de souche européenne », et les FSN, « les Français de souche nord-africaine ».
Dans la bouche de François Hollande, le propos n’était pas flatteur, il était même infamant. Les « Français de souche » invoqués, en effet, sont les adolescents coupables de l’infernale profanation d’un cimetière juif. Ils devaient faire la preuve de l’absurdité des propos de Roger Cukierman, qui, le matin même sur Europe 1 avait cédé à la tentation de l’amalgame : « Il faut dire les choses, avait dit le patron du Crif, toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans. Bien sûr, c’est une toute petite minorité de la communauté musulmane et les musulmans en sont les premières victimes. » [1]. Le président de la République a utilisé les « Français de souche » pour dynamiter tout amalgame et rappeler que l’antisémitisme était « bien de chez nous ».
Sans peut-être mesurer qu’il pratiquait à son tour l’amalgame honni et faisait reposer ces actes monstrueux sur les épaules de tous les « Français de souche », de branche ou de feuille. « Nommer c’est exclure », proclament nos ligues de vertu. Apparemment, cette règle ne s’applique pas quand il s’agit d’une catégorie végétale de Français. La démographe Michèle Tribalat explique cette exception. « Stigmatiser, a-t-elle remarqué dans FigaroVox, ne s’applique qu’aux minorités. Si vous appartenez aux natifs au carré, justement, vous êtes majoritaires, et vous vous trouvez dans le camp des dominants. Désolée, dans ce cas, aucune excuse. » [2] Ces « Français de souche », bonnes pâtes, n’en sont pas à leur première injustice. En 2007, lors de l’émission « Ce soir ou jamais », la présidente des Indigènes de la République, Houria Bouteldja, les appelait « sous-chiens », « parce qu’il faut bien leur donner un nom, les Blancs ».
Avoir choisi d’évoquer « les Français de souche » pour souligner leur culpabilité n’a pas attendri cependant nos autorités morales (Éric Fassin, Aurélie Filippetti). Il faut dire qu’invoquer la « souche » Française et demander dans le même temps la suppression du mot race dans la constitution témoigne d’un impressionnant art de la synthèse. Il n’a cette fois pas empêché l’habile François Hollande d’intégrer la confrérie du sémantiquement incorrect.
[...] C’était il y a un an, le 6 février 2014. Après l’émission « Des paroles et des actes », deux membres du conseil national du PS, Mehdi Ouraoui, ancien directeur de cabinet d’Harlem Désir, et Naïma Charaï, présidente de l’Agence national pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, avaient saisi le CSA. Dans une lettre envoyée à son président, ils qualifiaient l’intervention d’Alain Finkielkraut d’« inacceptable » et « dangereuse ». Ils s’inquiétaient précisément de l’usage par le philosophe de l’expression « Français de souche », « directement empruntée au vocabulaire de l’extrême droite ».
Alain Finkielkraut avait réagi. C’était sur le FigaroVox [3]. « L’idée qu’on ne puisse plus nommer ceux qui sont Français depuis très longtemps me paraît complètement délirante, affirmait-il. L’antiracisme devenu fou nous précipite dans une situation où la seule origine qui n’aurait pas de droit de cité en France, c’est l’origine française. » Quelques semaines plus tard, lors de l’émission « On n’est pas couché », l’écrivain Denis Tillinac avait pris la défense d’Alain Finkielkraut. En retour, il avait été violemment pris à parti par Aymeric Caron. « Les allusions méprisantes à notre fonds de ruralité attestent un refus viscéral, névrotique, de prendre la France pour ce qu’elle est, confiait à son tour l’écrivain au FigaroVox.Ces Français de souche (80 % des citoyens de notre pays) doivent savoir que leur patriotisme sentimental, culturel et spirituel est considéré comme une vieillerie bête et nocive. » Après Finkielkraut, après Tillinac, François Hollande, à son tour, a « dérapé ». Fort heureusement, il s’est arrêté à temps et n’a pas eu l’indécence de préciser que le meneur des profanateurs « de souche » était un adolescent instable qui portait sur ses vêtements des slogans « antifascistes »."
Lire "François Hollande, la novlangue et les « Français de souche »".
[1] Voir Cukierman (Crif) : "Toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans" (Europe 1, 23 fév. 15) (note du CLR).
[2] Lire Michèle Tribalat : « Français de souche, comme on dit » (lefigaro.fr/vox , 24 fév. 15) (note du CLR).
Litre aussi Michèle Tribalat : « Français de souche, comme on dit » (lefigaro.fr/vox , 24 fév. 15) (note du CLR).
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