Chloé Morin, politologue, chroniqueuse à "L’Express". 25 septembre 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Initialement acquise à l’interdiction du cumul des mandats, notre chroniqueuse Chloé Morin en a constaté, depuis, les effets pervers : nos représentants ont perdu en expérience et en connaissance du terrain."
Lire "Fin du cumul des mandats : pourquoi il faut faire marche arrière".
[...] En encadrant le cumul des mandats parlementaires nationaux avec les exécutifs locaux par la loi organique du 14 février 2014, François Hollande avait flatté l’opinion dans le sens du poil. J’étais moi-même, à l’époque, très convaincue par les arguments qui nous étaient exposés à longueur de débats : il n’est pas acceptable de cumuler plusieurs rémunérations ; la politique se meurt de ces barons locaux "cumulards" depuis des décennies, qui empêchent le rajeunissement et la féminisation de la politique ; exercer plusieurs fonctions en même temps, n’est-ce pas forcément ne pas leur consacrer le temps nécessaire, et donc mal les assumer ? [...]
Alors pourquoi revenir sur une loi dont les bénéfices semblent manifestes ?
Parce qu’entre-temps, nous avons pu mesurer les effets pervers de ce nouveau système. Nous avons, certes, gagné en nouveauté et en féminisation, mais nous avons perdu en expérience, en proximité avec le terrain et donc en capacité à anticiper les frondes - les gilets jaunes resteront un exemple illustre - et à forger des compromis transpartisans lorsqu’ils sont nécessaires. Tous les maires en exercice pourront en témoigner : le mandat local confère à ceux qui le détiennent une culture du compromis et une expérience du pays que les élus nationaux ne peuvent pas acquérir, ou plus difficilement.
En outre, il est tout à fait possible de limiter le cumul des rémunérations - phénomène qui peut choquer - sans pour autant forcer nos députés, sénateurs ou ministres à abandonner leurs mandats locaux.
En somme, en voulant punir ces élus que nous adorons détester, nous sommes sans doute allés trop loin.
Ce lundi 19 septembre était débattue en bureau du groupe parlementaire Renaissance la proposition de loi portée par Karl Olive, qui fut maire de Poissy (Yvelines) pendant huit ans, avant de rejoindre l’Assemblée nationale en juin. Faute de courage politique, cette mesure ne sera pas défendue par la majorité. "Comment pourrions-nous avoir l’air de rétablir nos privilèges, au moment même où nous demandons aux Français des efforts sur la consommation énergétique, où ils se serrent la ceinture comme jamais et où des réformes douloureuses sur le chômage ou les retraites se profilent ?", nous explique-t-on en substance. Cela s’entend. Mais il faudra alors au moins expliquer aux Français qu’à force de déprécier la démocratie et ceux qui la font vivre, ils finiront par avoir le système qu’ils méritent : une démocratie au rabais."
Voir aussi la note de lecture Gérard Delfau - La passion de convaincre, ou les mille et une batailles d’un élu de terrain (E. Marquis) (note du CLR).
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