Fatiha Boudjahlat, enseignante en collège, cofondatrice de Viv(r)e la République, auteur de "Le grand détournement" (Cerf). 31 octobre 2017
"[...] Quels sont les points communs entre ce néo-féminisme et le « néo-antiracisme indigéniste » ?
Ils partagent la même vision racialisée des rapports sociaux. Ils ont le même ennemi : le mâle blanc occidental. Ils dénoncent la structure patriarcale de la République, mais s’accommodent fort bien voire célèbrent le patriarcat oriental. La culpabilité de classe et de race des néo-féministes sert de levier à l’offensive universitaire, médiatique, associative des indigénistes. Les deux courants idéologiques revendiquent une appartenance à la gauche, et pourtant les deux privilégient en toute circonstance l’hypothèse ethnique à l’analyse sociale de la lutte des classes. Ils portent une vision libertaire très libérale, qui vise à réduire la sphère d’intervention de l’Etat au bénéfice de la régulation sociale des leaders communautaires. Les premières sont les idiotes utiles, pardon les idiot.e.s utiles des seconds. Qui sont dans un racisme tout aussi révoltant que les identitaires.
Ces militants appellent cela « la convergence des luttes ». Que signifie ce glissement intersectionnel ?
Les indigénistes sont dans la même logique que les identitaires et les tenants du grand remplacement. Ils veulent grand-remplacer, à titre de dédommagement historique et ontologique quand les autres craignent d’être grand-remplacés. Dans les faits, la convergence des luttes favorise seulement le facteur ethnique. Vous êtes femme, noire, lesbienne. Cela fait partie de l’identité reçue. Et pourtant, c’est ce qui va commander votre mobilisation politique et vous donner de la valeur : vous comptez pour ce que vous êtes, et ce que vous êtes commande ce que vous pensez. A la fin, c’est toujours la couleur de peau qui est déterminante. C’est le règne de l’AOC-AOP appliqué aux humains, la partition raciale de l’espace revendiquée dans les espaces de non-mixité va de pair avec une traçabilité ethnique de ses occupants. Ce qui permet de voir les indigénistes et les islamistes dont l’orthodoxie condamne et l’homosexualité et les homosexuels, devenir des compagnons de manifestations de militants homosexuels adeptes de l’intersectionnalité.
Celle-ci relève du verbiage et de l’ingénierie sémantique qui conduit surtout à détruire toute notion d’intérêt général et toute réalité d’un corps politique national et populaire. La communauté d’assignation et ses intérêts prévalent. Et ce logiciel conduit à valider une terminologie raciste en la parant d’un vernis universitaire. L’expression outrancière de « nègre de maison » devient l’acceptable concept de « native informant ». Mais le sens est le même : si vous ne pensez pas comme votre épiderme et vos intérêts de « race » commandent de penser, vous êtes un traître. Le plus cocasse apparait quand des bourgeois-pénitents blancs multi privilégiés somment une femme « racisée » comme moi de penser comme eux décident qu’il est bon et juste de penser : ils sont dans la parole blanche experte, même quand ils prétendent la dénoncer. S’ils étaient cohérents, je pense qu’ils devraient s’autodétruire ou être atteints de combustion spontanée. [...]"
Lire "Fatiha Boudjahlat : « Les néo-féministes sont les idiotes utiles des indigénistes »".
Voir aussi le communiqué du CLR Elisabeth Badinter, féministe militante, laïque impeccable. Une cible pour les communautaristes (CLR, 28 oct. 17), la rubrique Colloque "Faux amis de la laïcité et idiots utiles" (CLR, Licra, Paris, 5 nov. 16) (note du CLR).
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