1er septembre 2012
"On les qualifie encore de "minorités", mais c’est un rôle majeur qu’ils s’apprêtent à jouer dans la vie politique américaine. En 2008, Latinos, Noirs et Asiatiques ont pesé dans l’élection de Barack Obama. En 2012, les Latinos pourraient à eux seuls arbitrer la présidentielle. Leurs préoccupations vont inspirer de plus en plus les discours des responsables politiques, orienter les stratégies électorales, voire façonner l’avenir du système bipartite américain.
Toutes confondues, les "minorités raciales et ethniques" constituaient un quart de l’électorat lors de la présidentielle de 2008, deux fois plus que vingt ans plus tôt. Dès 2020, plus d’un électeur sur trois sera noir, latino ou asiatique. A l’horizon 2050, les électeurs issus des "minorités" seront... majoritaires. Ensemble, ils pèseront davantage que les Blancs qui formaient encore 90 % du corps électoral à l’orée des années 1980.
Cette diversité de la population devrait conduire les candidats à mener des campagnes "multifacettes et multiraciales" s’ils veulent mobiliser ces segments de l’électorat souvent tentés par l’abstention, prophétisent dans le New York Times Zoltan Hajnal et Taeku Lee, professeurs de sciences politiques. Autrement dit : attirer les nouvelles minorités, Latinos et Asiatiques, en défendant des politiques plus ouvertes en matière d’immigration ou d’usage des langues, sans faire fuir la base traditionnelle des partis. Tâche ardue.
"ENTHOUSIASME DES MINORITÉS"
Historique, l’élection du premier Noir à la Maison Blanche a illustré de façon spectaculaire l’effet possible de la mobilisation des minorités. Si l’Amérique avait été totalement "blanche", Barack Obama n’aurait pas été élu. Seuls 43 % des Blancs l’ont choisi, alors qu’il a été préféré non seulement par 96 % des Noirs, mais aussi par les deux tiers des Hispaniques et par une très large majorité d’Asiatiques.
La mobilisation exceptionnelle des minorités en faveur de M. Obama - alliée à la relative désaffection des Blancs vis-à-vis du républicain McCain - a scellé sa victoire. Sur les cinq millions de nouveaux électeurs enregistrés en 2008, deux millions étaient noirs, deux autres millions hispaniques et 600 000 asiatiques. Le nombre d’électeurs blancs, lui, n’avait pas augmenté entre 2004 et 2008, d’où leur poids relatif amoindri.
Le 6 novembre, la proportion d’électeurs blancs aura encore un peu diminué (71 %), mais tout dépendra de la mobilisation. Si les républicains, largement blancs, se mobilisent en faveur de Mitt Romney, M. Obama aura besoin du vote des Noirs et des Hispaniques, non seulement dans les Etats du Sud et de l’Ouest, mais dans ceux de l’intérieur. "L’élection de 2012 sera véritablement une bataille pour la participation, et son résultat dépendra largement de l’enthousiasme des minorités", résume une étude de l’institut indépendant Brookings en mai. [...]
Les Latinos, par leur irruption massive dans le jeu politique, par leur dissémination dans le pays, leur jeunesse et leur dynamisme démographique boosté par l’immigration, constituent la part la plus spectaculaire de ce gisement de nouveaux citoyens (8 % des inscrits, 7,4 % des votants en 2008). "Les Hispaniques sont l’électorat clé pour les succès de la gauche", résume une étude du New Organizing Institute, proche des démocrates. Le poids des Latinos va augmenter de 40 % d’ici à 2024 pour dépasser 10 % des votants, et plus encore dans certains "Swing States" ("Etats en balance") décisifs : près de 25 % en Californie et au Texas, 35 % au Nouveau-Mexique.
LE POIDS DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES
Un élément crucial douche cet enthousiasme : en 2008, tandis que les Noirs et les Blancs se mobilisent massivement (respectivement 65 % et 66 % de votants), moins d’un citoyen hispanique et asiatique sur deux s’est déplacé. Ce différentiel peut s’expliquer par la jeunesse et le moindre niveau d’éducation de ces populations, mais aussi par une relative indifférence à l’égard du jeu politique.
Surtout, en amont, 40 % des Latinos qui ont la nationalité américaine ne sont pas inscrits sur les listes électorales (contre 27 % des Blancs et 30 % des Noirs). D’où l’enjeu décisif que constituent à la fois leur inscription et leur participation. Et la bataille autour des lois restrictives adoptées dans les Etats conquis en 2010 par les républicains : les formalités nouvelles exigées (production d’une carte d’identité ou d’une preuve de citoyenneté) risquent d’exclure du vote des membres de minorités partisans d’Obama.
Si les Latinos, comme les Noirs et les juifs, votent largement pour les démocrates, leur penchant n’assure nullement la victoire. En 2010, leur faible participation et la mobilisation des Blancs prorépublicains ont alimenté la bérézina démocrate aux élections de mi-mandat. [...]
L’électorat latino est loin d’être acquis aux démocrates. Si l’émergence des minorités semble menacer à terme le "parti de Blancs" des républicains (90 % des voix de John McCain en 2008 émanent d’électeurs blancs), l’avantage des démocrates n’est pas gravé dans le marbre. Au fur et à mesure de leur assimilation, les Hispaniques sympathisent de plus en plus avec les républicains, indique une étude de la fondation Pew.
L’immigration est une autre pierre d’achoppement possible : alors que 33 % des électeurs latinos considèrent ce sujet comme "extrêmement important", se mobiliseront-ils pour réélire un président qui, certes, a annoncé en juin l’arrêt des expulsions des jeunes sans-papiers, mais avait auparavant reconduit aux frontières davantage d’immigrés (400 000 par an) qu’aucun de ses prédécesseurs depuis Eisenhower (1953-1961) ?"
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