Revue de presse

"Embarras autour du voile à la Sorbonne" (Le Figaro, 26 sept. 14)

26 septembre 2014

"Une enseignante a réprimandé publiquement une étudiante à cause de sa tenue. Le président de l’université s’en est excusé.

« Euh, vous comptez garder votre truc à tous mes cours ? » Le mardi 16 septembre, alors que Sara* participe à un premier cours de travaux dirigés (TD) dans le cadre de sa licence 3 de géographie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, elle reçoit un accueil glacial de la part de sa professeur. Pendant de longues minutes, l’étudiante a été prise à partie, devant toute la classe. Cause de la dispute, le voile qui couvre ses cheveux. Face à la remarque désobligeante de la professeur, Sara affirme son intention de garder son voile, explique que « c’est (son) droit ». La maître de conférence insiste. « Cela me dérange », dit-elle, indiquant à Sara qu’elle devra l’ôter pour faire les exposés obligatoires. La jeune femme, décontenancée, reste ferme. « Eh bien, je préfère dans ce cas que tu ailles dans un autre TD », ajoute finalement la professeur.

Humiliée et choquée par ces propos, tenus devant une vingtaine d’autres élèves, Sara écrit une lettre au directeur de l’UFR de géographie, Yann Richard, pour lui faire part de son malaise. La missive est également signée par quatre camarades de classe de l’étudiante « qui ont été choqués et voulaient m’apporter leur soutien », indique Sara.
Yann Richard convoque alors l’étudiante et l’incite à changer de cours. Mais Sara, qui est également inscrite avec ce professeur lors d’un cours magistral, refuse cette solution. La présidence de l’université est alors mise au courant et Sara est reçue, le mercredi 24, par le président Philippe Boutry. Ce dernier lui présente « ses excuses au nom de l’université », selon Sara, avant de réaffirmer devant elle « son attachement à la tolérance de l’université », lui assurant que « cela ne se reproduira plus ».
Le président a toutefois défendu son enseignante en assurant que celle-ci avait seulement fait « une interprétation erronée » de la loi de 2004. Ce texte interdit en effet « le port de signes ou tenues » qui « manifestent ostensiblement » une appartenance religieuse, mais ne concerne que « les écoles, les collèges et les lycées ». Sara peut donc légalement porter son voile à la Sorbonne.

Cet événement en rappelle d’autres. Un professeur de la Sorbonne avait déjà demandé à une élève voilée de quitter son cours, en 2008, dans l’UFR de sciences politiques. Des cas similaires se sont également présentés à Montpellier en 2008 et à Nantes, en janvier 2013. En août de la même année, un document de travail rendu par le Haut Conseil à l’intégration préconisait d’étendre la loi de 2004 aux universités, ce que s’est refusé de faire la conférence des présidents d’université (CPU), la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, tous opposés aux conclusions de ce document.

La Conférence des présidents d’universités (CPU) a, elle, un guide sur la question, intitulé « Laïcité et enseignement supérieur », qui stipule que le président d’une université peut adopter un règlement intérieur et/ou une charte pour définir le fonctionnement de l’établissement. Ce type de règlement « constitue alors la base juridique dans le cas de conflits » ou d’atteintes internes à l’établissement, explique Jean-Loup Salzmann, président de la CPU.
L’université Paris-I a adopté un règlement intérieur en juin 2011, règlement dont un des articles stipule que « le comportement des personnes - par leurs actes, leurs attitudes, leurs propos ou leur tenue - ne doit pas être de nature à porter atteinte au principe de laïcité du service public de l’enseignement supérieur ». Jean-Loup Salzmann explique que cette phrase implique qu’au sein d’une même classe de TD, « une étudiante a le droit de porter un voile, mais pas son enseignante ».
À la Sorbonne justement, le président Philippe Boutry a convoqué une commission de médiation pour rétablir le dialogue entre Sara et sa professeur. Encore insuffisant pour l’étudiante, qui demande « une sanction » pour être « sûre que cela ne se reproduira plus ».

*Le prénom a été changé."

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