22 février 2013
"Que sont devenus les mots d’ordre de la révolution égyptienne : pain et liberté ? Ahram Online a mené l’enquête.
Des libertés à nouveau sous contrôle
“Liberté ! Liberté ! Liberté !” Ce cri a résonné dans toute l’Egypte pendant les dix-huit jours de la révolution. Début 2011, Moubarak était toujours au pouvoir et gouvernait le pays d’une main de fer. Mais cela durait depuis trente ans, et les Egyptiens en ont eu assez : ils sont descendus dans la rue, ont occupé les places publiques, se promettant de ne pas rentrer chez eux tant qu’ils n’auraient pas recouvré leur liberté. Alors, quand Moubarak a quitté le pouvoir, le 11 février 2011, les Egyptiens se réjouirent, convaincus d’être rentrés en possession de cette liberté longtemps niée. Mais est-ce vraiment le cas ?
La Constitution égyptienne adoptée le 25 décembre dernier impose de nouvelles limitations à la liberté des médias en Egypte, et nombre de ses dispositions inquiètent. C’est le cas de l’article 44, qui criminalise “l’insulte aux prophètes”, et de l’article 48, qui autorise les tribunaux à fermer les médias qui ne “respectent [pas] le caractère sacré de la vie privée des citoyens et les impératifs de la sécurité nationale”.
L’article 215, lui, fait disparaître le Haut Conseil de la presse, un organe élu, au profit d’un Conseil national des médias chargé de mettre en place “des mécanismes d’encadrement et des réglementations garantissant l’engagement des médias en faveur du respect de critères professionnels et éthiques”. Et il y a aussi l’article 216, qui prévoit la création d’une autre agence des médias, l’Association nationale de la presse et des médias. Mais, selon le Comité de protection des journalistes (CPJ), cette disposition ne précise pas le mode de désignation des membres de cet organe, ni comment les médias respecteront les “critères éthiques” susmentionnés.
“Les journalistes locaux redoutent que cette Association ne soit finalement au service des Frères musulmans, surtout quand on sait que la Choura [Assemblée consultative, Chambre haute du Parlement égyptien] a nommé en juillet des Frères musulmans à des postes de direction de certains médias”, déclarait le CPJ dans un communiqué. De plus, la nouvelle Constitution ne protège pas non plus les journalistes des poursuites pénales, auxquelles recourait fréquemment le régime de Moubarak pour faire taire les commentateurs trop critiques. “La nouvelle Constitution ne fait rien pour mettre un terme à l’emprisonnement de journalistes pour des délits de presse, alors même que le Syndicat des journalistes égyptiens n’a cessé de demander à la commission constituante d’inclure une disposition sur ce sujet”, déplore le CPJ.
Pis encore, en vertu du Code pénal en vigueur en Egypte, les journalistes peuvent être poursuivis pour divers délits, dont la “diffamation”. Un nouveau rapport publié par le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme (ANHRI) révèle que le Code pénal égyptien renferme au moins 77 articles relatifs à la liberté d’expression. Selon l’ANHRI, nombre de ces dispositions sont en vigueur depuis des siècles.
Gamal Heid, président de l’ANHRI, assure qu’il y a eu “un bien plus grand nombre” de poursuites engagées contre des citoyens égyptiens pour “insulte au président” au cours des deux cents premiers jours du mandat de Mohamed Morsi “que sous l’ensemble des dirigeants égyptiens depuis 1892”.
Le satiriste Bassem Youssef, dont l’émission, El-Barnameg, est devenue le symbole de la liberté d’expression de l’après-révolution, est aujourd’hui la cible d’accusations semblables après s’être moqué à plusieurs reprises de Morsi sur son plateau. Bishoy Kamel, un instituteur copte, a été condamné à six ans de prison pour avoir publié sur Facebook des dessins considérés comme “diffamatoires” envers l’islam et Mahomet, et pour avoir insulté le président Morsi et sa famille. Des accusations du même type sont portées contre Gamal Abdou Massour, 17 ans, pour les caricatures critiquant Mahomet qu’il a postées sur le réseau social. [...]"
Comité Laïcité République
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