Culture / Edito

Le grand retour des négationnistes (Edito, G. Durand, 16 juin 20)

par Gérard Durand, responsable du groupe Culture du Comité Laïcité République. 16 juin 2020

Ce que l’on nomme la culture d’un peuple est un étrange mélange de traditions et de règles parfois très hétéroclites mais qui parviennent à composer un ensemble accepté par la population du territoire où elles s’appliquent. Elles concernent aussi bien la musique que la littérature, la danse et la cuisine. La culture provençale est différente de celle des Bretons ou des Alsaciens, qui pourtant se reconnaissent tous comme Français car ils partagent une même histoire, celle qui a fait la France et qui aujourd’hui se traduit dans la République.

Partager une Histoire commune est en conséquence la clé de voûte de toute unité nationale. Nier cette histoire revient à nier l’appartenance à la communauté. Mais partager n’est pas tout accepter, même si l’on sait que l’histoire est très souvent écrite et exploitée par les dominants et qu’elle mérite d’être examinée de très près encore et encore. C’est le travail de l’historien, qui doit choisir entre un regard limité à l’Hexagone - c’est la ligne d’Eric Zemmour - ou prendre en compte les grands mouvements internationaux, comme le fait Patrick Boucheron. Le débat est parfois tendu et c’est très bien ainsi. Comme dans la plupart d’autres domaines, la critique se révèle souvent profitable à tous.

Nous avons assisté, il n’y a pas si longtemps, à l’apparition de mouvements se dispensant de toute analyse critique pour nier des pans entiers de l’Histoire. Non, il n’y a pas eu de chambres à gaz, non la police et l’administration ne se sont pas rangées comme un seul homme derrière l’envahisseur nazi, et l’on trouve encore de nos jours des personnes considérant que Pétain fut une sorte de bienfaiteur du peuple français. Cela porte un nom : le négationnisme.

Alors que l’on croyait que ce discours insensé avait perdu tout crédit, grâce au travail de preuve des historiens, on le voit resurgir sous une autre forme. Il s’attache cette fois à la confrontation entre populations à partir de la couleur de leur peau. Il repose sur la victimisation supposée de ceux qui n’auraient pas la chance d’avoir la peau blanche. De quelle victimes parle-t-on ? On ne sait pas trop. Les écoles françaises refusent elles les enfants de couleur ? Les hôpitaux de soigner ceux qui ne sont pas assez pâles ? Bien sûr que non. Et pourtant nous entendons un discours violent et haineux qui appelle au communautarisme les plus exacerbé et parfois au séparatisme. Il prend en partie sa source dans les erreurs du pouvoir et de sa gestion calamiteuse des forces de l’ordre. Nier les violences dont ont fait preuve certains policiers et ne pas les sanctionner est d’une bêtise totale qui nous conduit à ce résultat.

Le résultat est la négation violente de pans entiers de notre histoire. Il faut déboulonner des statues, renommer des rues, interdire certaines œuvres et de médias les opposants. Toute œuvre réalisée par des Blancs devient suspecte et peut être mise à l’index de cette nouvelle bien pensance. Autant en emporte le vent est une œuvre raciste, à bannir, tout comme La Petite maison dans la prairie, et peu importe qu’elles aient été réalisées dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec le nôtre. On atteint même le ridicule en classant de la même façon Mary Poppins au prétexte que le film comporte une danse des ramoneurs aux visages noirci par la suie ! Il faut déboulonner des statues, celles de de Gaulle, celle de Colbert et celle de Gambetta, peut être pas tous parfaits mais qui ont permis d’être ce que nous sommes. Il faut interdire d’antenne Eric Zemmour, ah bon ! On a le droit de ne pas l’aimer mais après lui à qui viendra le tour, peut être à ceux qui s’érigent en censeurs et ne semblent pas se douter que l’Histoire est remplie de tels retournements ?

Censure, interdiction et négation sont les marques d’une pensée fasciste, car il est essentiel de bien nommer les choses. Elle n’a pas de couleur et peut tout aussi bien être blanche que noire, asiatique ou maghrébine. Le plus grave est que certains élus la soutiennent, dans l’espoir de grappiller quelques voix ou d’acheter à bon compte une paix sociale qu’ils n’obtiendront jamais, oubliant que leurs concessions politiques ou religieuses seront aussitôt considérées comme signes de faiblesse.

Le Comité Laïcité République a toujours lutté contre ces dérives et sa défense d’une République laïque et universelle s’exprime avec force, notamment par l’action de son groupe Culture.

Personne ne pourra nous y faire renoncer.

Gérard Durand


Voir aussi toute la rubrique Culture, dans la Revue de presse la rubrique Liberté d’expression : culture dans Liberté d’expression (note du CLR).


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales