28 septembre 2016
Devant la multiplication des écoles privées hors contrat, le gouvernement veut passer d’un régime de déclaration simple à un régime d’autorisation préalable. La droite sénatoriale est vent debout contre cette mesure de bon sens au nom de la sacro-sainte « liberté d’enseignement », soutenue en cela par l’enseignement catholique. C’est un bien mauvais service à rendre à notre pays dans un contexte où la transmission des valeurs de la République et de la laïcité devrait être l’objectif de tous.
Une série d’inspections menées en 2015-1016 a démontré l’indigence pédagogique de nombreuses écoles hors contrat. Aucun contrôle sur la qualité de l’enseignement dispensé dans ces structures n’avait été organisé depuis 2010. Qui plus est, il était devenu nécessaire de donner un coup de balai parmi les écoles clandestines qui fleurissent sous couvert d’associations d’aide aux devoirs, alors qu’il s’agit en fait de classes sous la férule d’imams autoproclamés, ou de classes exclusivement réservées aux enfants juifs.
L’autorisation préalable vise donc à mettre fin à un système de « fait accompli » qui empêche l’autorité administrative (maire, préfet, procureur de la République) de procéder aux contrôles nécessaires avant l’ouverture. Dans l’état actuel du droit, le délai d’opposition s’avère trop court quand la majorité des dossiers sont déposés pendant l’été pour une ouverture en septembre. Le texte liste également les motifs pouvant causer le refus d’ouverture qui étaient jusque là dispersés dans plusieurs textes. Il précise que les autorités compétentes peuvent « former opposition à l’ouverture de l’établissement, dans l’intérêt de l’ordre public, des bonnes mœurs, de l’hygiène, si les conditions de titres et de moralité du chef d’établissement ou des enseignants ne sont pas remplies ou s’il résulte des programmes de l’enseignement que le projet de l’établissement ne correspond pas à l’enseignement qu’il prévoit de dispenser ou que l’établissement projeté n’a pas le caractère d’un établissement scolaire. » [1]
Pour l’enseignement à domicile, la situation est encore plus complexe. Le choix du mode d’instruction est garanti par la Constitution : c’est l’éducation qui est obligatoire, pas l’école. De ce fait 25 000 enfants sont aujourd’hui instruits à domicile pour toutes sortes de motifs, soit deux fois plus qu’en 2007. 9800 d’entre eux ne sont pas inscrits au CNED (Centre national d’enseignement à distance), dont les effectifs sont stables. Ces enfants sont donc instruits par un parent ou un tiers dont les qualifications sont inconnues. Les contrôles sont impossibles pour un quart d’entre eux et sur ceux qui ont été inspectés, près de 500 recevaient un enseignement insatisfaisant du point de vue des attendus du socle commun. Le texte prévoit donc que « l’autorité compétente […] met également en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire dans les quinze jours dans un établissement d’enseignement public ou privé lorsqu’ils ont refusé deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa et de faire connaître au maire l’établissement scolaire qu’ils auront choisi. » [2].
En première lecture, la commission sénatoriale, en la personne de sa rapporteure Françoise Gatel (UDI, Ile-et-Vilaine), a minimisé les risques que présente l’absence de contrôle de l’enseignement à domicile, accusant surtout les inspecteurs de l’Education nationale d’avoir une attitude hostile a priori à l’égard des familles. Elle a surtout rejeté le régime d’autorisation des écoles privées hors contrat. Principalement parce que cette autorisation pourrait, à terme, entraver l’ouverture de nouvelles écoles sous contrat catholiques. En effet, une école privée hors contrat peut demander à passer un contrat d’association avec l’Etat, et donc bénéficier de financement public, cinq ans après son ouverture. Pour rappel, aujourd’hui en France, 96% des élèves du privé fréquentent une école catholique. L’enseignement catholique s’est d’ailleurs élevé contre le renforcement des contrôles dès avant l’été.
A défaut de supprimer tout financement public des établissements scolaires privés, le contrôle de l’État sur l’enseignement privé hors contrat et l’enseignement à domicile est bien la moindre des choses. Il est nécessaire pour garantir à chaque enfant un enseignement de qualité qui assurera la meilleure insertion possible dans la société et le monde du travail. Il est indispensable au regard des enjeux liés à la transmission des valeurs de la République et de la laïcité dans notre société fracturée. Il vise surtout à protéger les enfants de toutes formes de dérives communautaires ou sectaires qui pourraient entraver leur liberté.
Céline Rigo.
[1] Projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’égalité et à la citoyenneté, Texte n° 773 (2015-2016), transmis au Sénat le 7 juillet 2016, article 14 decies.
[2] Ibidem, article 14 bis.
Lire aussi "Des contrôles renforcés dans l’enseignement hors contrat et à la maison" (lemonde.fr , 9 juin 16), "Les écoles confessionnelles hors contrat dans le viseur de l’éducation nationale" (Le Monde, 8 av. 16), "Les écoles musulmanes inquiètent le gouvernement" (Le Figaro, 6 av. 16) (note du CLR).
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