Revue de presse

"Ecole : les comportements agressifs augmentent" (Le Monde, 19 juil. 24)

(Le Monde, 19 juil. 24) 19 juillet 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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La médiatrice de l’éducation nationale alerte sur « la vulnérabilité » des enseignants face à « la montée des comportements agressifs »

Les services de la médiatrice ont enregistré plus de 20 000 saisines en 2023, soit une hausse de 12 % en un an. Les recours émanant des personnels sont en nette augmentation, selon le rapport d’activité publié mercredi 17 juillet.

Par Sylvie Lecherbonnier

Le rapport annuel d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur offre une photographie des maux qui parcourent cette institution, à travers l’analyse des saisines que son réseau de 87 médiateurs reçoit. Dans cette nouvelle édition, portant sur l’année 2023, baptisée « Faire alliance, redonner confiance » et publiée mercredi 17 juillet, Catherine Becchetti-Bizot s’inquiète d’une « dégradation de la relation entre l’école et les familles » et de « l’agressivité montante » dont les personnels font l’objet, « phénomène que l’usage des réseaux sociaux contribue fortement à amplifier ».

Les services de la médiatrice ont enregistré 20 400 saisines en 2023, soit une hausse de 12 % en un an, 42 % depuis 2017. S’ils constituent aujourd’hui moins d’un quart des réclamations, les recours émanant des personnels sont en nette augmentation en 2023 (+ 18 %). Catherine Becchetti-Bizot remarque ainsi un « sentiment d’essoufflement » chez les personnels de l’éducation, qui « se traduit parfois par du désenchantement ou de l’amertume », après des années à « s’adapter aux crises diverses, aux réformes et aux transformations de leur environnement de travail ».

Signe de la dégradation de leur environnement de travail, les demandes de médiation qui ont trait aux relations professionnelles ont bondi de 78 % en cinq ans et représentent désormais 13 % des saisines effectuées par les personnels. Les difficultés relationnelles entre collègues sont particulièrement marquées.

« Culture du rapport de force »
Plus globalement, les conflits au sein des établissements font l’objet de nombreuses réclamations, de la part des personnels comme des familles. Ils représentent désormais 40 % des saisines des élèves et de leurs parents et ont connu une « très forte progression » en 2023 et un doublement en cinq ans.

« Une culture du rapport de force, aux antipodes de l’alliance éducative nécessaire pour assurer l’accompagnement et la qualité du parcours des élèves, semble se développer », remarque Catherine Becchetti-Bizot. Plutôt qu’une crise de l’autorité, la médiatrice préfère parler d’une « crise de confiance » : « Les familles se méfient des personnels de l’éducation. » La liberté pédagogique dont disposent les professeurs est ainsi de moins en moins comprise et les enseignants se sentent davantage contraints à justifier leur choix.

Ces conflits s’illustrent dans les contestations d’enseignement. Devenues plus fréquentes, elles bousculent les personnels. « Le sentiment d’une remise en cause de leur légitimité, de leur compétence et de leur autorité dans l’exercice quotidien de leurs missions s’accentue depuis plusieurs années. Les enseignants finissent par douter d’eux-mêmes », note Catherine Becchetti-Bizot, qui parle de la « vulnérabilité » croissante des personnels.

La médiatrice souligne le rôle particulier des « éducations à… » – la sexualité, la citoyenneté, aux médias… Ces enseignements transversaux, qui font sortir les enseignants de leur discipline stricto sensu et pour lesquels la pression des parents est plus palpable, sont « à l’origine d’un sentiment croissant d’insécurité ou d’incompétence chez de nombreux professeurs ». La médiatrice de l’éducation nationale propose de renforcer la formation initiale et continue des enseignants sur ce point.

L’école inclusive, pour les élèves porteurs de handicap, se révèle également source de tensions et de recours aux médiateurs. « Face au désarroi des familles, qui s’expriment parfois avec véhémence pour faire respecter les droits de leur enfant, les enseignants se sentent souvent démunis et surtout mal préparés », note Catherine Becchetti-Bizot dans son rapport. Les personnels, le plus souvent favorables à l’inclusion, ont « un sentiment d’impuissance » et disent subir une « pression qui les dépasse », abonde-t-elle. Le tout entretient également un « sentiment d’incompétence », alors que, là encore, les enseignants sont peu ou pas formés pour prendre en charge les divers handicaps.

Les chefs d’établissement en première ligne
Autre source de friction : l’évaluation et les résultats aux examens. Les réclamations des familles dans ce domaine sont en augmentation constante depuis cinq ans (+ 150 %). Le contrôle continu et Parcoursup ont contribué à cette « surenchère » et le rapport entre les enseignants, les élèves et leurs parents s’en trouve transformé. « Les familles se sont faites au contrôle continu et vivent mal des notes inférieures à la moyenne de l’année le jour de l’examen », note Catherine Becchetti-Bizot.

L’épreuve anticipée de français du baccalauréat fait ainsi l’objet de recours croissants, du fait de son importance, réelle ou supposée, dans l’examen des vœux sur la plate-forme d’admission postbac. Les oraux sont également scrutés de près. « Les parents peuvent alors juger un jury incompétent ou estimer qu’il s’est mal comporté », remarque la médiatrice.

Tous ces facteurs contribuent à une dégradation du climat scolaire, qui conduit à une « anxiété croissante » des personnels face à « la montée des comportements agressifs », qui se manifestent dès l’école primaire et se poursuivent ensuite. Avec, en tête, les attentats terroristes qui ont coûté la vie à Samuel Paty, en octobre 2020, et Dominique Bernard, en octobre 2023, ils redoutent désormais le passage à l’acte.

Au collège et au lycée, les chefs d’établissement sont en première ligne pour résoudre les conflits et expriment plus qu’auparavant aux médiateurs leurs difficultés à « faire face », notamment en cas de harcèlement scolaire. « Auparavant sur la défensive quant à l’action des médiateurs, les personnels de direction nous écrivent désormais pour qu’on les aide à gérer des situations », constate Catherine Becchetti-Bizot.

Ces tensions ne sont pas sans incidence sur le bien-être et la santé des personnels. « La détérioration du climat scolaire enclenche souvent un cercle vicieux : découragement, épuisement, puis problématiques de santé et arrêts de travail », note la médiatrice. Catherine Becchetti-Bizot y voit même l’une des causes du manque d’attractivité de la profession. Pour elle, « il est nécessaire de prendre en considération cette réalité si l’on veut éviter d’accentuer la désaffection vis-à-vis des métiers de l’éducation ». Elle formule diverses propositions dont le renforcement de la protection des personnels ou la création de nouveaux espaces pour renforcer la concertation et le dialogue. Des recommandations qu’elle laisse sur la table du prochain ministre de l’éducation.


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