5 mars 2015
"Un rapport confidentiel remet en cause l’enseignement des langues et cultures d’origine dispensé en primaire. Certains cours s’apparenteraient à des "catéchismes islamiques".
L’école française doit reprendre en main l’enseignement des langues étrangères ! C’est la conclusion sans appel de la dernière étude du Haut Conseil à l’intégration (HCI). Le document de 17 pages que le JDD a pu consulter a été remis aux services du Premier ministre au deuxième semestre 2013. Il vient compléter les travaux du groupe de travail sur "Les défis de l’intégration à l’école".
L’étude, restée totalement confidentielle, s’intéresse à un dispositif ancien, celui des enseignements de langue et culture d’origine (Elco). Il concerne 92.500 élèves dont 87.000 dans le primaire, selon les derniers chiffres du ministère de l’Éducation nationale. Une population scolaire en progression de 16 % au cours des cinq dernières années, selon l’enquête du HCI, notamment en arabe (57.145) et turc (16.555).
Ces cours de langue et de culture étrangères sont dispensés aux enfants dont l’un des deux parents au moins est né dans le pays d’origine. Dans la grande majorité des cas, cet apprentissage s’effectue en dehors du temps scolaire mais à l’intérieur de l’école et sous son contrôle. Il est confié à des ressortissants étrangers placés sous l’autorité de l’académie mais payés et formés par leurs ambassades.
"Susceptibles de renforcer les références communautaires, les Elco peuvent conduire au communautarisme. Certains interlocuteurs craignent même que les Elco deviennent des ’catéchismes islamiques’", écrivent les rapporteurs.
Les auteurs se sont en effet étonnés du contenu du guide de l’enseignant édité en 2010 par le ministère de l’Éducation turc et en usage auprès de certains enseignants de langue et culture d’origine. "Ainsi le chapitre V de cet ouvrage intitulé "Foi, islam et morale" insiste sur l’importance de croire en Allah, un des principes de la foi, et sur la nécessaire acquisition par les élèves d’une bonne connaissance de la vie du prophète Mahomet dont l’importance doit être mise en valeur." Assez loin de la laïcité, française ou turque.
Dans les années 1970, lorsqu’ils ont été créés sous l’impulsion de Lionel Stoléru, les Elco avaient un objectif précis : maintenir chez les enfants des travailleurs migrants un niveau de langue et culture du pays dont étaient originaires leurs parents dans la perspective de leur retour chez eux.
Cette politique s’est ensuite traduite par la publication d’une directive européenne en 1977. Il s’agissait de permettre aux enfants qui se déplaçaient à travers les pays européens au gré du travail de leurs parents de conserver des liens avec leur terre natale.
Mais le contexte a fondamentalement changé. Aujourd’hui, la plupart des enfants concernés par les Elco sont français. Les neuf pays signataires d’un accord avec la France sont l’Algérie, la Croatie, l’Espagne, l’Italie, le Maroc, le Portugal, la Serbie, la Tunisie et la Turquie. Ils ne correspondent plus aux pays pourvoyeurs des plus forts contingents d’immigrés comme la Chine…
Les auteurs de l’étude notent que, depuis 2006, l’Éducation nationale s’attache à mieux encadrer le dispositif. Un programme de langue commun en arabe a, par exemple, été élaboré avec les trois États maghrébins. Depuis cette date, ces cours facultatifs sont en théorie proposés à tous les élèves sans distinction d’origine. Cependant, en pratique, les places sont réservées en priorité aux enfants immigrés directement concernés…
Le rapport préconise "la suppression" pure et simple du dispositif Elco. "Au terme de cette étude nous ne saurions trop insister sur le fait que la réussite des enfants de l’immigration passe avant tout par la maîtrise du français", expliquent les auteurs tout en relevant qu’un abandon sans proposition alternative présente aussi ses dangers. "Les conditions de diffusion de l’enseignement du turc s’avèrent extrêmement préoccupantes face aux moyens engagés par l’État turc qui, non content de prendre en charge l’organisation des Elco, ne refuse pas toujours son concours à certaines associations communautaires d’inspiration islamiste en France…"
Pour les rédacteurs, il apparaît important que l’Éducation nationale propose dans le cadre commun l’apprentissage des langues étrangères et ne l’abandonne ni aux États étrangers, ni aux associations, au risque qu’il tombe dans un mauvais débat politique. À moins qu’il ne soit déjà trop tard…[...]
Comité Laïcité République
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