Revue de presse

"Ecole : la pensée critique sacrifiée sur l’autel de la "tolérance"" (A. Shalmani, L’Express, 13 oct. 22)

Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 18 octobre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Ecole : la pensée critique sacrifiée sur l’autel de la "tolérance", par Abnousse Shalmani".

"L’assassinat barbare de Samuel Paty marque un tournant. Pour les défenseurs de la République, mais aussi pour ses ennemis. Après Mohammed Merah, après Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher, les cafés parisiens et le Bataclan, après le père Jacques Hamel, mais aussi le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, et tant d’autres - trop d’autres -, un professeur égorgé en plein après-midi à quelques mètres de son lycée fut un choc assez grand pour s’armer - ou capituler. Le président de la République avait alors imaginé une cérémonie à la hauteur de la tragédie, et tous ceux qui s’égosillaient à montrer du doigt le danger de l’islamisme ont repris espoir.

Deux ans plus tard, il est déjà l’heure des comptes. Et ils sont au rouge écarlate. C’est dire si l’énième retournement de veste d’Emmanuel Macron sur la laïcité est grave. Dans son dernier essai, La Jeunesse française, l’École et la République, Iannis Roder nous apprend que des élèves utilisent avec une légèreté qui fait froid dans le dos l’expression "je vais te faire une Samuel Paty". Il est instructif de noter que Roder, professeur en Seine-Saint-Denis, faisait partie des contributeurs de l’ouvrage collectif Les Territoires perdus de la République, publié en 2002, quand déjà ils sonnaient l’alarme. Est-ce tout ce qui reste d’un professeur de la République égorgé pour avoir accompli son travail - soit instruire ses élèves ?

Rien ne va plus dans l’école de la République : il n’est plus question d’enseignement, mais de conversations entre professeurs et élèves, plus question de laïcité, mais d’identité, plus question de ministère non plus. Le ministre de l’Education préfère parler d’éducation sexuelle - qui est certes indispensable, mais qui n’est pas censé être un outil pour promouvoir "l’égalité entre les enfants", celle-ci étant particulièrement acquise en France - plutôt que de se pencher sur les retards accumulés par les élèves, incapables de lire et comprendre un texte et qui, choqués de l’effort, préfèrent s’en prendre à l’auteur d’un texte proposé au bac, en l’occurrence Sylvie Germain, avec un torrent d’insultes mal orthographiées et sans aucun sens grammatical. Quand le ministre de l’Education ne s’inquiète pas d’instaurer une égalité qui existe déjà, il s’envole pour les Etats-Unis, où il détruit le modèle universaliste français en s’offusquant que la question des races ne soit pas présente dans le débat français. Pour un homme ayant bénéficié à plein régime du système républicain, c’est une insulte à la France.

Pendant ce temps-là, l’islamisme s’installe dans l’école, le terrain de l’instruction étant abandonné, les élèves étant sommés de venir en classe avec leur "expérience", la hiérarchie étant en miettes, les jeunes s’ennuyant vite et ayant l’indignation facile, le voile devient le symbole de leur antiracisme, la tolérance leur mot d’ordre. Ajoutons à cela la peur, l’ingrédient indispensable qui a permis à l’islamisme de passer pour un humanisme.

L’école est un espace qui permet d’échapper à sa culture familiale, de se voir offrir non seulement le savoir, mais la pensée critique : "Il leur apprenait qu’il n’était pas besoin d’être Al Capone pour transgresser, mais qu’il suffit de penser. Dans la société humaine, penser est la transgression la plus radicale. Puis se servant de ses jointures pour marteler chaque syllabe sur son bureau : ’la pen-sée cri-tique, voilà la subversion absolue’", écrit Philip Roth de son professeur dans J’ai épousé un communiste. Parce que la culture classique a soudain été considérée comme discriminatoire, parce que le respect mal placé a servi de moteur à déculturation, la pensée critique, celle que tentait d’inculquer Samuel Paty à ses élèves, est devenue si transgressive qu’elle a été sacrifiée sur l’autel de la peur. Que des élèves d’obédience musulmane s’organisent pour contourner la loi et se présenter à l’école en voile, abaya ou qamis dans des proportions délirantes dit surtout leur inculture : ce n’est pas leur culture d’origine qu’ils revendiquent, mais l’effacement de celle-ci au profit de l’islamisme, qui, à défaut d’une umma réelle, mise sur une umma de l’esthétique par la généralisation de l’uniforme islamiste.

L’école a perdu le jour où les politiques ont cessé de voir le Français en devenir dans l’immigré, l’école est devenue le terrain de jeu des islamistes le jour où le seul horizon du contrat social ne fut plus que la tolérance. Tolérer, c’est permettre quelque chose qui ne soit pas conforme à la loi, c’est supporter quelque chose que l’on trouve désagréable et injuste. Samuel Paty est mort de tolérance."


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