par Gérard Durand. 24 mai 2020
Étienne Klein, Il était sept fois la révolution, Flammarion, Champs (rééd. 2016), 242 p., 8 e.
Etienne Klein est ce que l’on peut familièrement une grosse tête. Directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique, enseignant à l’Ecole centrale, docteur en philosophie des sciences, il est aussi et surtout un extraordinaire vulgarisateur. Auteur de dizaines d’ouvrages et infatigable conférencier, il s’est donné pour objectif de permettre à chacun de partager sa passion et son insatiable curiosité.
Cet ouvrage, comme l’indique son titre, raconte en de courts chapitres d’une trentaine de pages l’histoire de sept physiciens qui, dans les premières années du XXe siècle ont bouleversé les connaissances de l’humanité sur son environnement matériel et spatial. Sept « révolutionnaires » qui de l’étude des plus grands phénomènes d’astrophysique aux plus minuscules éléments de la matière ont, par leurs découvertes, transformé en à peine un siècle une vision du monde venue parfois de la plus haute antiquité. Sept génies, à l’histoire souvent heurtée et aux caractères très différents, que l’auteur nous présente pour nous rappeler qu’ils étaient surtout des hommes libres avec, dans leur vie les mêmes qualités et défaut que la plupart d’entre nous.
L’histoire réserve parfois bien des surprises et c’est particulièrement vrai en physique. Un petit groupe d’hommes, ceux dont parle ce livre et quelques autres, ont, en deux décennies, de 1920 à 1940, bouleversé des connaissances que l’on croyait définitivement acquises. Tous sont européens, tous sont passés plus ou moins brièvement par des villes ou étaient apparus des points de concentration du génie humain, Göttingen, Leyde, Copenhague, Cambridge. Tous ont été récompensés plus ou moins tardivement par un prix Nobel et ont fréquenté un des plus hauts lieux de la science, peu connu du grand public, le congrès Solvay. Tous ont publié très jeunes, souvent entre vingt et trente ans, leurs thèses de bouleversement. Et la plupart d’entre eux ont terminé leur carrière aux Etats Unis, toujours prompts à débusquer les meilleurs talents.
Le livre est un portrait de caractères souvent à l’opposé les uns des autres. C’est Gamow, le farceur qui parviendra à faire publier par une revue très sérieuse un article démontrant que les vaches ruminent dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord et dans le sens contraire au sud.
C’est Dirac, le laconique qui exaspère les journalistes par ses réponses en monosyllabes et pour qui une phrase de dix mots est déjà un discours. Il est l’esthète pour qui la beauté et le vrai ne sont que les deux facettes d’une même médaille la beauté suprême se trouvant dans une équation réussie.
C’est Majorana, le Sicilien taciturne dont la mystérieuse disparition reste encore une énigme aujourd’hui, qui aura bien du mal à quitter sa chambre, ne voudra jamais présenter ses travaux devant un congrès et refusera longtemps de les publier avant de céder sur l’insistance de son maître Fermi.
C’est Pauli, le noceur qui ne venait pas aux cours le matin, tout occupé à récupérer de ses folles nuits.
C’est bien sur Enstein le bricoleur qui se fera connaître très jeune par ses travaux sur la synchronisation de horloges de Berne et plus discrètement sur son invention de nouveaux types de réfrigérateurs, avant de publier, à l’âge de 26 ans ses articles sur la relativité.
C’est Ehrenfest, le plus âgé (né en 1880), grand ami d’Enstein, enseignant génial rongé par le doute sur lui-même et ses travaux et qui finira par se suicider. C’est enfin Schrodinger grand amateur de femmes, surtout de lolitas et dont l’esprit n’est créatif que si « son corps exulte et que son âme s’enfièvre ».
Etienne Klein ne s’arrête évidemment pas aux portraits de ces génies mais il aborde en détail leurs travaux. C’est la que l’on va retrouver son formidable talent de vulgarisateur. Ce livre n’est pas fait pour les savants mais pour tous ceux qui portent un intérêt au monde qui nous entoure. Après l’avoir lu, vous aurez compris la théorie de la relativité restreinte d’Enstein, la fission de l’uranium 235 comme la température des étoiles. Vous en saurez plus sur les accélérateurs de particules, ou l’antimatière, vous commencerez à comprendre ce qu’est la physique quantique et en quoi elle commence à peine à bouleverser la plupart des théories existantes. Vous comprendrez mieux ce qu’est un atome, les particules, électron, neutron, positron qui le composent et comment elles se comportent. Vous verrez se construire l’histoire de demain dans ses bons cotés et ses aspects terrifiants. Enfin vous apprendrez qu’une théorie nouvelle peut n’apparaitre que dans les équations d’un chercheur génial et n’être validée que des décennies plus tard par des expérimentateurs tout aussi géniaux.
Tout cela en moins d’un siècle.
Lisez ce livre chapitre après chapitre en respectant entre chaque un temps d’assimilation.
Gérard Durand
Voir aussi toute la rubrique Culture (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales