12 décembre 2015
"Tout devait être plus clair. Tout est plus confus. Les polémiques furieusement ridicules suscitées par le guide de la laïcité de l’Association des maires de France (AMF) montrent que des décennies de dérives ne se rattrapent pas avec de simples mises au point pédagogiques. Aussi justifiées soient-elles. L’AMF a pourtant une double légitimité. Elle exprime les préoccupations concrètes des élus locaux. Elle constitue, au-delà du clivage droite-gauche, l’un des derniers conservatoires de la laïcité. Son président, François Baroin (Les Républicains), et son vice-président, André Laignel (Parti socialiste), se disent soudés par un même objectif : « mettre fin à la confusion des esprits, sincère ou entretenue par des gens qui n’acceptent pas le principe de laïcité ».
Au terme d’une enquête auprès des 36 000 maires de France, l’AMF a suggéré des recommandations pour aider les élus face aux pressions et intimidations communautaires. Tous les aspects de la vie locale sont analysés (restauration scolaire, mariages, funérailles, neutralité des élus et fonctionnaires, etc.). Des « phénomènes préoccupants » sont soulignés (notamment l’inflation de certificats médicaux de complaisance pour soustraire les filles à certaines activités et la déscolarisation croissante de certaines d’entre elles). Ce bilan inquiétant n’a pas suscité de réactions. Mais le simple rappel du droit sur une question qui n’a rien de nouveau - la neutralité des bâtiments publics - a fait scandale. L’AMF s’est bornée à citer l’article 28 de la loi de 1905 interdisant tout « signe ou emblème religieux sur les monuments publics » pour indiquer que l’installation de crèches symbolisant la Nativité dans les mairies « n’est pas compatible avec la laïcité ». En regrettant que, comme dans d’autres domaines, le subjectivisme imaginatif des juges aboutisse à des jurisprudences contradictoires « nuisant à la compréhension de la règle par les élus et par les citoyens ».
Une compréhension mise sens dessus dessous puisqu’est aujourd’hui invoquée, contre cette règle laïque ancienne, une « tradition culturelle » en fait inventée. Les crèches installées dans des mairies qui ont fait l’objet de contentieux ces dernières années n’ont en effet rien de « traditionnel ». Leur floraison est récente. Celle de Béziers date de l’élection de Robert Ménard. Celles de Montiers et de Lamorlaye, dans l’Oise, datent des années 2000. Celle d’Avignon, de 1999, celle de Melun a dix ans à peine. Une des plus anciennes, celle de La Roche-sur-Yon, en terre vendéenne, date de 1989, année où Lionel Jospin céda face au voile à l’école. Ce n’est pas un hasard. Car ces installations religieuses dans les bâtiments publics ne sont pas de tradition mais de réaction : voyant les élus violer de plus en plus la laïcité de leurs mairies en faveur de multiples fêtes ou soirées musulmanes, des militants catholiques ont exigé de profiter des mêmes dérives.
Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait encouragé cette reconquête au nom des « racines chrétiennes de la France » et Valérie Pécresse lui fait aujourd’hui écho : « Laissons les maires libres de leurs choix ! » Ces voix de droite sont confortées par le silence de celles de gauche, qui peuvent difficilement invoquer la laïcité contre les catholiques après l’avoir sabordée par électoralisme en faveur des musulmans. La crèche dans le hall de la mairie de Béziers est-elle plus ou moins condamnable que l’argent du contribuable consacré par la Mairie de Paris à ses munificentes « Nuits du ramadan » ? Certains dépassent le silence gêné pour assumer leur abandon de la laïcité, tel Philippe Doucet, député censé préparer pour le groupe PS une « charte de la laïcité » et officiellement hostile à l’interdiction du Christ en mairie : « Ce n’est pas le bon chemin. La laïcité, c’est la liberté religieuse. » Ou Julien Dray, qui fut le premier à recycler à gauche le terme maurrassien de « laïcard », et plaide la « tolérance » pour ces crèches faisant selon lui « partie du décorum ».
La trahison d’une laïcité jugée « islamophobe » par une partie de la gauche est connue. Que des catholiques y concourent, voulant leur part de cette régression en revendiquant de christianiser les bâtiments de la République, semble plus surprenant. C’est d’abord d’une grande naïveté : ils ne voient pas qu’aujourd’hui la laïcité, qui n’est que la traduction profane des valeurs chrétiennes, protège plus les catholiques qu’elle ne les empêche. Son respect vaut mieux que l’égalité périlleuse de son abandon face à un islam en expansion. C’est ensuite une drôle de trahison que de réduire, comme le fait Robert Ménard, l’installation d’une crèche dans sa mairie à une « exposition culturelle ». Les plus excités (ou les plus novices ?) des cathos en viennent ainsi à banaliser leur foi.
La Nativité, ce n’est pas rien. C’est le cœur du christianisme : Dieu fait homme. Et d’abord petit enfant vulnérable, sur la paille. Outre ceux qui n’y croient pas, ce symbole religieux peut heurter ceux qui tiennent le Christ pour un imposteur. Beaucoup de catholiques considèrent qu’il n’y a que deux endroits adéquats pour la crèche : à la maison et, surtout, dans les églises. Tous ceux qui courent les plateaux télé pour clamer avec indignation leur manque de petit Jésus peuvent le retrouver à sa vraie place. En allant remplir ces églises vides que certains imams veulent transformer en mosquées. Elles, sont ouvertes à tout le monde."
Lire aussi L’Association des maires de France demande plus de neutralité aux élus (la-croix.com , 18 nov. 15), "Laïcité : le vade-mecum de l’AMF" (Association des Maires de France, 18 nov. 15), voir Colloque du CLR « L’après-janvier : plus que jamais la République laïque » (Paris, 14 mars 15) (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales