Note de lecture

Djaïli Amadou Amal - Contre le mariage forcé, un livre de révolte et de combat (S. Mayol)

par Samuel Mayol. 12 janvier 2021

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes, éd. Emmanuelle Collas, sept. 20, 252 p., 17 e.

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Je termine à l’instant de lire le beau livre de Djaïli Amadou Amal Les Impatientes [1].

Djaïli Amadou Amal est la première auteure africaine à aborder le thème douloureux du mariage forcé. C’est un livre de révolte et de combat qui va droit au but et aborde frontalement la question, sans tabou.

Djaïli Amadou Amal est camerounaise, peule et musulmane. Elle a été mariée de force à 17 ans à un cinquantenaire polygame qui a fini par la répudier. Elle a été remariée et a fini par fuir suite à des violences conjugales qui menaçaient sa vie et celle de ses enfants. Elle s’est reconstruite et dans sa résilience a fondé en 2012 l’association « Femmes du Sahel » qui aide les jeunes femmes à obtenir l’indépendance par les études.

Pour son roman, forcément inspiré de sa vie, elle a fait le choix d’un roman choral dénonçant la condition des femmes en Afrique sahélienne à travers les destins croisés de trois femmes, mariées de force.

Et la réalité décrite donne envie de hurler ! L’auteure parvient à décrire un processus « traditionnel » avec beaucoup de force et de subtilité. Car un mariage forcé est beaucoup plus subtil que ce qu’on peut imaginer de l’extérieur. Dans le nord Cameroun, un enfant n’est pas que l’enfant de ses parents mais celui de toute la famille, notamment des oncles qui, dans le roman, décident de donner leurs nièces pour des intérêts personnels présentés comme familiaux.

Surtout, les jeunes filles sont persuadées, suite à un chantage affectif très dense, de donner leur accord. Depuis leur plus jeune âge, on leur inculque les règles à suivre pour ne pas être rejetées par la communauté : le sens de la dignité, la honte d’avoir honte et le munyal, la patience. Ce qu’elles acceptent avant de déchanter.

L’écriture est très simple, sobre. L’auteure déploie un dispositif implacable pour soulever l’indignation et faire bouger les consciences. Si les mots semblent choisis et assemblés « simplement », c’est pour éviter toutes scories lyriques ou trop expressionnistes. La dénonciation n’en ressort que plus rigoureuse sans passer par le prisme d’une émotion trop directe et envahissante. C’est au lecteur de se faire sa propre idée.

Un roman terrible qui explose les tabous.

Samuel Mayol

[1Ce roman a obtenu le prix Goncourt des lycéens 2020.



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