Joseph Macé-Scaron, directeur de la rédaction de "Marianne". 2 février 2015
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"En juin de l’année dernière, Marianne publiait un appel, « Laïcité, il est temps de se ressaisir ! » [1], signé par des personnalités aussi diverses qu’Elisabeth Badinter et Abdennour Bidar, Marcel Gauchet, Patrick Kessel, François Baroin et Jean Glavany… Leur démarche exprimait leur souci de faire vivre la laïcité « sans blesser mais dans la clarté et la fermeté ».
Cette clarté commençait — et commence toujours — par débarrasser le terme des qualificatifs dont on l’a encombré. Dès le début des années 2000 on a vu, en effet, fleurir les termes de « laïcité ouverte », « laïcité positive » et autres bimbeloteries sémantiques relevant de la culture de l’excuse et reprises complaisamment par une grande partie de la classe politique, vidant le mot de sa substance.
Aujourd’hui encore, même après les assassinats planifiés des 7, 8 et 9 janvier, certains intellectuels en chambre et des élus mûrs pour des émissions de télé-réalité s’efforcent de nous présenter le mot « laïcité » comme une insupportable agression. Il nous semblerait plutôt que la violence se situe du côté de ceux qui refusent de reconnaître les lois de la République mais, dans ces affaires, le bon sens est assez rarement partagé.
Quitte à déplaire une nouvelle fois, réaffirmons qu’à Marianne nous défendons la laïcité, rien que la laïcité, toute la laïcité, et que celle-là ne consiste pas à séparer l’homme de la religion mais à séparer le religieux de l’Etat et de ses institutions.
Le paradoxe de cette situation est que la laïcité, loin d’être l’adversaire de la religion, peut être sa meilleure alliée. En remettant le religieux à sa place, elle le pousse à se recentrer, c’est-à-dire à approfondir sa foi et à ne plus se disperser dans des arbitrages sans fin de ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.
Moins une religion intervient dans le temps des hommes, notre pauvre temporalité, plus elle se tourne vers l’infini temps de Dieu. Tous les mystiques, qu’ils soient juifs, chrétiens, musulmans… attestent de cette expérience. Plus la religion quitte le lit de camp du temporel, plus elle se tourne vers le spirituel, qui est sa vocation première. A l’inverse, plus la religion s’abandonne dans le rituel (deux frigos, interdits alimentaires, de vêtements, pas de gélatine de porc dans les médicaments, etc.) et moins elle a de chances de retrouver un jour le chemin du cultuel.
Un laïque sait que la menace provient des religions politiques, pas de la religion. Ceux que nous ne comprenons pas et qui se perdent dans l’identitarisme religieux ne sont pas malades d’un trop-plein de religion mais, au contraire, d’un manque de connaissance. Lorsque l’on approche les sommets de spiritualité de l’islam, comment ne pas être atterré, par contraste, par le néosalafisme, ce chaudron régressif, cette secte politique pour les nuls ? Comment oublier que, partout dans le monde musulman, cette nouvelle forme de totalitarisme commence par effacer, éradiquer, anéantir toute trace de spiritualité ?
L’intégrisme est « l’asile de toutes les ignorances », pour paraphraser Spinoza. Il remplace la religion par des slogans dignes de brèves de comptoir, les faits, par l’affect, le sentiment religieux, par le ressentiment sectaire.
Alors oui, Dieu est laïque parce qu’il est trop parfait pour avoir besoin de tous ces attributs de la puissance que l’on dépose à ses pieds comme s’il s’agissait d’une vulgaire idole carthaginoise au ventre brûlant. Il est laïque car, comme le savent les pères spirituels de toutes les religions, il nous a donné la possibilité de douter, y compris de notre propre doute."
Lire "Dieu est laïque".
[1] Lire "Laïcité : il est temps de se ressaisir !" (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales