par Gérard Durand. 19 août 2021
[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Désigné coupable, de Kevin Mac Donald (2 h 10), avec Tahar Rahim, Jodie Foster. Sortie 14 juil. 21.
Nous sommes ici en présence d’un film qui selon la formule consacrée est « inspiré de faits réels ». Et les faits en question font partie de l’une des plus sombres périodes de l’histoire des Etats Unis. Celle du bagne de Guantanamo. Quand une grande puissance utilise une base située hors de son sol pour commettre une série de crimes qui lui font oublier toute idée de droit et revenir à l’époque de la vendetta.
Depuis notre lointaine Europe, l’immense majorité des citoyens n’imagine pas ce qu’a pu être Guantanamo pour les centaines d’hommes qui y ont séjourné. Ils venaient de nombreux pays et se trouvés là pour un seul motif : leur participation supposée aux attentats de 2001 contre le World Trade Center de New York. Qu’ils aient fait partie des survivants de l’équipe de tueurs, de sa logistique, de l’élaboration de ce projet, tous sont désignés coupables, parfois sans la moindre preuve, par dénonciation, ou pour s’être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.
Guantanamo c’est un secret d’Etat, rien ne filtre, pas même le nom des détenus. Très peu en sortent, certains y séjournent des dizaines d’années, sans procès sans correspondance et ils peuvent s’estimer heureux de ne pas avoir encore fait partie des disparus ni des suicidés. Pas de juges, pas de procès, uniquement des membres de la CIA et des militaires, muets comme des carpes face à tout visiteur.
Pour nous raconter cette histoire, il fallait un exemple, celui de quelqu’un ayant vécu cet enfer et le réalisateur tient son héros. Il s’appelle Mohamedou Ould Slahi (Tahar Rahim), il est Mauritanien et à vécu plusieurs années en Allemagne. Contrairement à beaucoup d’autres détenus, il sait de quoi on l’accuse : d’avoir été l’un des agents recruteurs des kamikazes du 11 septembre. Il s’est fait cueillir par la police de son pays alors qu’il était venu pour le mariage de l’un de ses frères. Depuis, il a disparu, personne n’a de ses nouvelles ni ne sait ou il se trouve. C’est presque par hasard que, trois ans plus tard, une brillante avocate, Nancy Hollander (Jodie Foster) entend parler de lui et décide de prendre sa défense car pour elle, tout présumé coupable à droit à un procès.
Cela va durer quatre ans, pendant lesquelles nous pouvons suivre l’actualité des démêlés de l’avocate avec l’administration américaine qui multiplie les mensonges pour ralentir ses démarches et celle du prisonnier, y compris dans les scènes de torture qu’il doit subir - âmes sensibles s’abstenir. Il finira par faire des aveux quand on lui annonce que l’on fait venir sa mère à la base afin de la prostituer auprès des prisonniers.
Le procès se déroulera à son avantage au terme de sept ans d’incarcération et il doit être libéré. Mais l’acharnement du pouvoir est tel que le jugement ne sera exécuté qu’après une nouvelle période de sept ans. Au total Mohamedaou Ould Slahi aura passé 14 ans et deux mois à Guantanamo. Il vit toujours dans son pays ou il a fondé une famille. Le tour de force du film est que le spectateur peut en sortant se demander s’il était coupable ou pas.
A voir sans les enfants.
Gérard Durand
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