Revue de presse

"Des tabous sont enfin tombés" (P.-H. Tavoillot, S. Guérin, E. Deschavanne, Le Monde, 12 fév. 15)

Par Pierre-Henri Tavoillot (Philosophe), Serge Guérin (Sociologue) et Eric Deschavanne (Philosophe). 13 février 2015

"Loin de la culpabilité postcoloniale, la France ne doit pas avoir peur d’aborder les questions qui fâchent, comme celle de l’identité nationale

Il s’est passé quelque chose le 11 janvier 2015 [...]. Dans ce contexte ambivalent, nous voyons au moins quatre chantiers intellectuels s’ouvrir. De tabous, ils sont devenus évidents.

L’identité française. On perçoit enfin l’évidence de la penser entre un multiculturalisme béat et un nationalisme étroit. Comment prétendre être un pays d’accueil, comment espérer intégrer, voire assimiler, si l’on refuse de promouvoir la maison qu’on habite ? Le modèle d’une histoire postcoloniale marquée par la culpabilité et l’expiation du passé a fait long feu. Il a tétanisé l’Europe occidentale et déresponsabilisé le Sud comme l’Orient. Ce temps est révolu et les questions s’ouvrent : quelle est la part d’héritages et de projets communs qui animent notre volonté de vivre ensemble en France, dans l’Europe et dans le monde ? Qu’est-ce que l’Occident sinon la civilisation, qui, à travers la laïcité, entend conférer à tout adulte la majorité civile et civique ?

La tentation totalitaire de l’islam. C’est une grande religion et une immense civilisation qui a produit, dans l’Histoire, des œuvres et des modes de vie d’un incroyable raffinement. Et, pourtant, c’est lui aujourd’hui qui prête son nom au terrorisme. Pourquoi l’islam est-il tenté de se couper de son héritage civilisé pour se métamorphoser en une idéologie totalitaire ? Pourquoi a-t-il produit une barbarie dont les premières victimes sont les musulmans et les juifs les boucs émissaires ? Là encore, ces interrogations étaient mises au compte d’une islamophobie "nauséabonde" ou d’un "amalgame" fallacieux. Elles sont aujourd’hui portées avec vigueur par nombre de musulmans. Il faut comprendre et combattre l’antisémitisme désinhibé qui réapparaît dans le giron de cette idéologie sommaire de l’islamisme radical.

Les valeurs de la démocratie. La liberté et l’égalité sont-elles plus sacrées que la plus sacrée des religions ? Et, si c’est le cas, comment comprendre qu’elles semblent à géométrie variable : liberté pour les caricatures de Charlie Hebdo mais interdiction du spectacle de Dieudonné ? Contre cette confusion, il faut expliquer que la liberté d’expression s’arrête quand commence l’appel à la haine et l’apologie du meurtre. C’est toute la différence entre des actes de dérision et des incitations au terrorisme. Notre espace public place la sacralité de l’homme au-dessus de celle de Dieu, parce que celle-là permet de vivre ensemble et que celle-ci relève du strict domaine de la foi privée. [...]

La question des armes de la démocratie. Comment lutter face aux nouvelles menaces ? A l’intérieur, pour réintégrer les "territoires perdus de la République". A l’extérieur, pour défendre des principes et surtout des populations qui aspirent à les adopter. Ni la démocratie ni la laïcité ne peuvent être imposées de l’extérieur, mais cela ne saurait fournir la moindre excuse pour abandonner ceux qui y prétendent et risquent leur vie pour y parvenir. [...]"

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