2007
"Invoquant le respect du principe de laïcité dans la fonction publique, des responsables d’écoles primaires de l’académie de Créteil ou de Lille, notamment, interdisent à des mères d’élèves portant le foulard islamique de participer à des sorties scolaires.
Récemment saisi de plusieurs affaires de ce type, le MRAP (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples) vient d’adresser un courrier au ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien, « afin que soit mis fin à cette situation en totale violation de la législation en vigueur ». Mais la réalité juridique n’est pas aussi tranchée.
Si, ainsi que le rappelle le MRAP, la loi du 15 mars 2004, interdisant le port de signes religieux dans les établissements scolaires, s’applique uniquement aux élèves et ne concerne pas les parents, le statut des mères d’élèves accompagnant les sorties de classe demeure flou. Considérés comme des collaborateurs occasionnels du service public, ces adultes doivent-ils respecter le devoir de neutralité exigé de tous les fonctionnaires ?
« Ce point est toujours en débat, affirme Rémy Schwartz, conseiller d’Etat et rapporteur général de la commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République. Il est vrai qu’en cas d’accident, ces personnes sont prises en charge, mais cela induit-il qu’elles ont les mêmes obligations que des fonctionnaires ? La question se pose et, faute de contentieux, aucune jurisprudence n’a encore tranché. » Cette absence de règles autorise donc diverses interprétations, laissées à l’appréciation des directeurs d’école, des inspecteurs d’académie ou des recteurs. Pour l’inspecteur d’académique de Créteil, « la décision d’accepter ou de refuser la proposition d’un parent ressort de la responsabilité du directeur d’école », qui n’est pas tenu de motiver sa décision.
« Des conflits de ce genre demeurent marginaux », relativise de son côté Hanifa Cherifi, inspectrice générale de l’éducation nationale, ancienne médiatrice du ministère sur les questions de voile islamique et auteur d’un rapport sur l’application de la loi du 15 mars 2004. « Leur résolution dépend de la qualité du dialogue entre les personnels et les parents davantage que de nouvelles réglementations, soutient-elle. Reste à savoir aussi si l’on a affaire à des mères habituellement impliquées dans la vie de l’école ou si l’on est face à des offensives organisées de prosélytisme, comme on a pu le voir par le passé. »
Pour certains acteurs de la fonction publique, l’interdiction faite aux mères de famille d’accompagner leurs enfants est excessive et apparaît en contradiction avec des instructions du ministère de l’éducation nationale visant à rechercher le contact avec les parents. Le MRAP estime que le ministère devrait publier une circulaire afin de clarifier la situation de ces mères d’élèves. « Faute de quoi, prévient l’association, nous pourrions envisager une action en justice. »
D’une manière générale, il semble que l’application du principe de laïcité dans l’espace public soulève des interrogations de plus en plus fréquentes de la part des élus locaux et des responsables services publics.
« Ils réclament des documents clairs, leur permettant de dire aux personnes concernées ce qui est permis et ce qui ne l’est pas », indique M. Schwartz. Un projet de Charte de la laïcité, remis fin janvier au premier ministre par le Haut Conseil à l’intégration (HCI), propose un condensé des règles qui découlent du principe de laïcité. Cette Charte est censée apporter des éléments de réponse et devrait, selon le HCI, être affichée dans tous les services publics.
L’application raisonnée de ce principe républicain pourrait constituer un chantier pour le futur Observatoire de la laïcité, annoncé dès 2003 par le président de la République, et dont la création est attendue dans les tout prochains jours."
Comité Laïcité République
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