Revue de presse

"Des islamistes  ? Non des bisounours  !" (E. Conan, M. Szafran, Marianne, 21 sept. 13)

A propos de Nos mal-aimés de C. Askolovitch. 27 septembre 2013

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le journaliste Claude Askolovitch publie Nos mal-aimés, ces musulmans dont la France ne veut pas (Grasset), qui présente les intégristes comme de sympathiques victimes de la laïcité et de ce qu’il appelle «  l’identitarisme français  ». Provocation ou égarement  ?

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La lecture du très étrange livre de Claude Askolovitch suscite un malaise croissant (par son contenu) qui se transforme en colère (quand on comprend son propos) et finit par l’accablement (quand on réalise son effet politique). Car ce texte baroque réussit la prouesse de donner raison à la fois à l’extrême droite obsédée par l’invasion musulmane, de Jean-Marie Le Pen à Renaud Camus, et aux diverses variétés d’intégristes qui veulent en finir avec cette laïcité à la française qui contrarie la charia, de Tariq Ramadan aux Indigènes de la République.

Cette prouesse repose sur un postulat de départ qui ignore, méprise – et injurie, en fait - la majorité des musulmans de France  : considérer que l’intégrisme le plus obscurantiste constitue l’islam authentique et que ses seuls dévots représentent l’avenir. Une grande partie du livre est ainsi constitué de portraits d’hommes voués à Allah dont Askolovitch décrit les mœurs et les propos avec une fascination croissante. L’auteur, s’initiant au «  sacré en islam  », semble subjugué par l’élévation de ses interlocuteurs dont il ne cesse de vanter la pureté et la force de conviction. [...]

Mais il nous vante dans le détail cette incroyable détermination pieuse pour montrer parallèlement que ses adeptes ne peuvent vivre totalement leur foi en France. [...] A cause de l’«  islamophobie française  ».

Le lecteur réalise vite que l’authenticité musulmane à laquelle Askolovitch donne la parole est essentiellement masculine et l’on éprouve un vrai malaise, tant il semble obsédé par tout ce qui relève de la femme dans des dialogues machistes tournant autour de la névrose sexuelle de l’islam. La plupart de ces mâles pieux qu’il rencontre ne lui présentent pas leurs femmes  : leur statut est d’être reléguées dans des pièces à part, lui expliquent-ils  ; aussi nous narre-t-il avec pédagogie ce que sont des «  appartements non mixtes  ». L’un de ses interlocuteurs ajoute que dans son entreprise, il ne prendrait pas de personnel féminin parce que «  les femmes, c’est juste le début des ennuis  ». Ah  ! Ah  ! On se marre aussi chez les salafistes…

Askolovitch, qui apprend vite, nous instruit  : il faut bien comprendre que l’islam, c’est le voile  ; que «  le féminisme islamique prend un autre sens de l’autre coté du voile  » et que critiquer le machisme comme a voulu le faire Ni Putes Ni Soumises constitue une «  violence  » imposée aux «  garçons issus de l’immigration  ». Propos qui s’accompagnent d’un mépris terrible pour l’association féministe (dont «  parfois  », admet-il, les adhérentes se font «  bousculer dans les quartiers  ») qui a eu le tort de faire de Sohane brulée vive dans une poubelle à Vitry «  un symbole national  ; ainsi vivent et meurent les filles des cités, méprisées et suppliciées  ».

Ces femmes musulmanes à qui il ne peut pas parler, Claude Askolovitch, lui, sait ce qu’elles veulent, et il nous l’annonce  : celles qui ne portent pas le voile ne rêvent que de cela, elles vont toutes s’y mettre. «  Le voile est plié dans un coin de la tête, en attendant de servir  », «  chacun le sait et le sent  » que «  les filles se recouvrent  ». Progressivement, il gobe tout. [...]

Car nous y voilà, le problème vient de la laïcité et du statut des femmes en France qui contrarient «  la tranquille construction de l’islam en banlieue  » dont il donne l’exemple de ce groupe qui voulait organiser «  un tournoi de basket-ball féminin entre quelques mosquées essonniennes, donc pour femmes sportives mais voilées, public masculin banni  ». Or ce projet «  touchant de bonne volonté  », «  dérisoire  », a été interdit  ! Il y a pire avec la plainte de ce cadre malheureux d’être passé de Londres la tolérante, avec ses piscines à horaires non mixtes, à Paris et sa mixité totalitaire  : «  Ici ça n’existe pas et je ne nage plus  ». Pas étonnant qu’un autre lui dise que sa sœur et son beau frère passent la moitié de l’année en Arabie Saoudite «  parce qu’il en ont marre de l’ambiance ici  ». Il «  les comprend  »  : «  joyeux résultat de notre laïcité  » que ce «  retour des musulmans pieux en terre d’islam  »  :

Si Claude Askolovitch ne définit jamais le terme d’islamophobie, l’on constate qu’il ne vise pas seulement la loi de 2004 sur les signes religieux ostensibles à l’école, mais aussi les manières de vivre autochtones qui font souffrir les islamistes. Et cela va mal finir, nous prévient-il à propos d’un étudiant pieux qui se sent exclu parce que tous ses collègues de la fac ne pensent qu’à boire et à draguer, ce que Dieu lui interdit. Contraint de passer ses soirées seul, «  il a emmagasiné tant de violence, et prête à rejaillir  », qu’Askolovitch en tire la conclusion que «  ce n’est pas quand il y a trop de mosquées que naissent les Merah, en fait  ! C’est quand il n’y en a pas, que les gens n’ont rien et divaguent tout seuls  » parce qu’ils sont rejetés par ceux qui les discriminent en passant leur temps en loisirs mécréants. Ou en refusant l’évidence, comme la nécessité de les laisser prier sur les lieux de travail, parce que le soir à la maison, «  ce n’est pas pratique avec les enfants  »…

Nous sommes là au cœur du propos de Nos mal-aimés  : ces «  musulmans pieux  » - salafistes, frères musulmans – sont les vrais musulmans  ; il n’y a pas de différence entre islam et islamisme  ; l’islam n’est pas compatible avec la république et la laïcité qui rendent les vrais musulmans malheureux. Et l’auteur d’annoncer une apocalypse qui le met en joie  : ces islamistes, qui «  ne doutent de rien et n’entendent rien concéder  », finiront par se faire entendre et ils ont bien raison  ! Ils sont tellement forts qu’ils vont gagner  : «  La France va en islam  », on le voit, «  dans la vraie France, la norme musulmane a pris ses quartiers  ».

Claude Askolovitch ne serait-il pas mû par la satisfaction de ceux qui veulent en finir avec cette France moisie jadis mise en scène par Philippe Sollers  ? Le refrain est connu et il en rajoute sur ce «  un pays déjà décomposé  » «  scotché à sa glaise  » qui «  communie en terroir nostalgique  » et « sent la sueur aigre  ». Il essentialise la France - qu’il nomme d’ailleurs plus souvent «  La Gaule  », peuplée de «  Gaulois  » - pour mieux nier ce qu’il ne supporte pas  : la nation politique, basée non pas sur une communauté tribale, mais sur le métissage et l’adhésion à des valeurs communes.

Il insiste, il le sait d’avance  : même si la France acceptait tout des prétentions intégristes, elle trouverait autre chose pour exprimer la haine qui est en elle. «  L’islam nous révèle quelque chose d’un malaise français  » qui court de l’Abbé Grégoire à De Gaulle, jusqu’à …Coluche. Oui  ! Découvrant que les Restos du cœur refusent les bénévoles voilées, Askolovitch réalise tout d’un coup  : «  D’ailleurs pour faire rire, Coluche poussait le cri du cochon  ?  ». Mais c’est bien sûr  ! Il en vient ainsi à exonérer Marine Le Pen qui «  n’invente pas de haines, comme le faisait son père  »  : la haine française fonctionne toute seule, la présidente du Front national «  surfe, suit, amplifie et prolonge ce qui existe, et se nourrit de nous  ».

Contre cette république laïque, Askolovitch définit son modèle, le néo-libéralisme anglo-saxon, accueillant pour l’entre-soi communautaire. Il n’y a plus pour lui, Français, immigrés, étrangers, mais «  gaulois  », «  juifs  », «  musulmans  » ou «  mahométans  ». Il n’y a pas d’espace commun et de débat politique, mais des forces, des essences qui submergent tout, qui changent tout, qui transforment tout et dans ce registre, voit dans l’interdiction du foulard à l’école la réponse à la perte de l’Algérie… Askolovitch - qui écrit en tant que «  juif  », comme il le rappelle régulièrement - se réjouit des ennuis de cette France hostile aux tribus, cette France qui a maté les partisans du Christ-Roi qui excommuniaient la démocratie, et qui a réduit l’intégrisme juif à l’époque du grand Sanhedrin.

Pour lui, la laïcité, «  malheureux mot  », n’est qu’une «  camisole idéologique  » à laquelle l’islam ne peut pas se soumettre  : il faut arrêter de rêver à cette «  fantaisie anachronique  » d’«  imams tricolores qui prêcheraient un islam aux valeurs du pays  ». D’ailleurs, «  l’Etat français n’est plus capable de recadrer quiconque, moralement ou spirituellement, heureusement  », «   l’État ne fait plus courber les religions  », «  la France n’assimile plus  » et cela suscite chez Askolovitch une joie non dissimulée  : il consacre des pages fascinées à ces préceptes islamistes prohibant le mélange qui progressent partout pour manger entre soi, se marier entre soi, ne pas mêler les enfants aux anniversaires et goûters de leurs camarades non musulmans, etc.

Le vrai hallal, qu’il défend «  en mémoire du cachère  », si délaissé. Il fait ainsi d’un militant qui a inventé un site internet parano qui prône le hallal rigoriste (et dénonce les «  mous  » de la mosquée de Paris) «  un inventeur de société civile  ». Un autre – un de ceux dont il ne doit pas voir la femme… - lui semble d’un courage supérieur parce qu’«  il ne scolarise pas ses enfants, pour leur épargner la promiscuité  ».

Que nous dit donc finalement Claude Askolovitch  ? Que Le Pen a raison, un vrai musulman ne peut pas être Français. Que ses camarades intégristes ne veulent pas s’intégrer et qu’ils ont raison. Il ne fait que retourner, en la positivant, la dénonciation de l’extrême droite et rejoint Rivarol qui se félicitait comme lui du port du voile  : «  Mieux vaut des mahométanes en tchador, ce qui évite ou, à tout le moins, limite le métissage  »."



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