Revue de presse

"Délinquance en Ile-de-France : derrière les mineurs isolés, l’ombre des réseaux" (leparisien.fr , 29 sept. 20)

29 septembre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"En région parisienne, le nombre d’interpellations de jeunes migrants délinquants pour des cambriolages et vols est en forte hausse. Les autorités veulent s’attaquer aux donneurs d’ordre qui pilotent ces ados toxicomanes, accros aux médicaments. Enquête.

Par Julien Constant, Denis Courtine (avec M.G)

Anouan, avec ses cheveux peroxydés, affirme avoir 14 ans. Il a été arrêté début septembre, en pleine nuit, dans la boutique d’un fleuriste de Plaisir (Yvelines), avec deux complices de 11 et 12 ans. Mais les tests radiologiques réalisés sur ses os à l’institut médico-légal de Garches (Hauts-de-Seine) lui en donnent 19. C’est ce qui a permis aux juges du tribunal correctionnel de Versailles de le condamner à 18 mois de prison ferme le 8 septembre. « Je vole pour le compte de deux Algériens qui me donnent des médicaments », a assuré le faux mineur devant les juges.

Ils sont des centaines, le chiffre exact est impossible à déterminer, de vrais mineurs, cette fois, pour la plupart marocains, à vivre de cambriolages et de vols à l’arraché en Ile-de-France. Les policiers appellent ces jeunes délinquants des « mijeurs » (car ils se présentent toujours comme mineurs pour échapper aux poursuites). Et même les tests osseux sont sujets à controverse. Un magistrat le reconnaît : « C’est vrai qu’il y a une marge d’erreur de plus ou moins deux ans. » [...]

Une razzia qui se traduit dans les chiffres. « Depuis trois ans, leur nombre a augmenté avec une succession de vagues migratoires », précise la préfecture de police de Paris. En 2018, on recensait 7603 interpellations de mineurs isolés dans l’agglomération parisienne (Paris, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Hauts-de-Seine). En 2019, c’était 9 134 interpellations, soit une hausse de 20%. Et pour les huit premiers mois de 2020, on dénombre déjà l’interpellation de 6 309 mineurs étrangers, soit 300 de plus qu’en 2019 sur la même période. Une nouvelle augmentation de 42%, qui atteint même 51% à Paris !

A la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), on précise que « la moitié des personnes interpellées pour cambriolages sont des mineurs isolés maghrébins ». « Parfois, on va avoir une réponse pénale digne de ce nom parce que le vol s’accompagne de violences, et là, la qualification juridique permet au parquet de pouvoir requérir l’enfermement des mineurs », souffle un haut gradé. Autrement, ils sont placés en foyer, « et deux minutes après, ils fuguent ».

Depuis leur apparition fin 2016, dans le quartier de la Goutte-d’Or dans le nord de Paris, ces « mijeurs » délinquants avaient tendance à vivre et à voler dans la capitale, mais depuis la fin 2018, leurs activités s’étendent dans toute l’Ile-de-France, grâce au RER et aux trains de banlieue. [...]

Le point commun de ces délinquants, outre leur jeune âge, est d’être déjà toxicomanes, accros aux médicaments, notamment le Rivotril, un antiépileptique : Anouan, interpellé chez le fleuriste des Yvelines, affirme avaler « cinq cachets de Rivotril par jour. Je le prends depuis l’âge de huit ans parce qu’au Maroc, mes frères le vendaient dans la rue », assure-t-il. « Ce médicament provoque des effets désastreux, déplore un policier du Val-de-Marne. Une fois, on a interpellé des gamins, ils ne comprenaient rien tellement ils étaient défoncés. »

Derrière ces jeunes voleurs de rue se cachent des réseaux de voleurs internationaux. Et, au plus haut sommet de l’Etat, c’est l’inquiétude. L’Elysée a demandé la mise en place d’une coordination interministérielle entre les ministères chargés de la Police, la Justice, l’Education, la Santé… sur ce sujet des mineurs isolés. [...]

« Ces adolescents viennent le plus souvent du Maroc et d’Algérie, décrit une éducatrice qui les fréquente quotidiennement. Ils passent par l’Espagne et se retrouvent à Paris. » Comme Anouan, qui a raconté à ses juges s’être arrêté à Barcelone en Espagne, puis à Perpignan (Pyrénées-Orientales), avant de monter dans un train pour Paris, où il vit dans un squat sous la férule de « patrons » qui lui fournissent ses précieuses pilules en échange du butin récolté lors des vols.

Ils dorment dans la rue ou dans des squats, selon les bandes qui se forment. Toutes les habitations abandonnées ou juste inoccupées sont visées. Il y a quelques semaines à Vitry (Val-de-Marne), le chef d’une petite bande d’adolescents a tiré avec une arme à feu sur un de ses copains.

« Parfois, les mineurs croient acheter leur maison, n’en revient pas un avocat de Créteil. J’en ai défendu un pour violation de domicile. Il me disait qu’il avait versé 300 euros pour occuper un pavillon abandonné. Un type lui avait refilé le bon plan moyennant de l’argent. »

A Bordeaux (Gironde), ville étape entre le Maghreb et Paris, et pour la première fois en France, une cellule d’enquête consacrée à ce type de délinquance a été créée et a démantelé en février un réseau de jeunes cambrioleurs, tenu par six membres d’une même famille, âgés de 30 à 50 ans, originaires d’Algérie. Ils sont suspectés d’avoir exploité un groupe d’une cinquantaine de petits voleurs qu’ils droguaient.

Emmanuelle Ajon, vice-présidente PS du conseil départemental de la Gironde, évoque des jeunes « qui sont avant tout des victimes de la traite des êtres humains. Pour moi, ce sont des mineurs sous la coupe de réseaux mafieux ou semi-mafieux ».

Cette affaire pourrait valider l’hypothèse échafaudée en région parisienne et qui, jusqu’alors, n’avait pas pu être confirmée : l’existence de filières organisées qui « pilotent » ces adolescents. Mais, pour l’heure, aucun service de police francilien n’a mis en place de cellule spécialisée. Des accords ont été passés, pour la seule ville de Paris, avec le consulat du Maroc pour le rapatriement de ces jeunes. La procureure de Versailles aimerait voir ces dispositions étendues, mais elle souligne « qu’il s’agit là de discussions qui doivent avoir lieu entre les représentants politiques des deux Etats ». [...]

Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, insiste : « Si c’est une priorité, on doit donner les moyens aux policiers de couper le lien entre ces enfants et les receleurs, démanteler les réseaux et interpeller les adultes qui exploitent ces gamins. »"

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