4 décembre 2007
"Chaque année que Dieu fait, ils sont une centaine à commettre l’acte hérétique ultime : se débaptiser. La démarche est on ne peut plus sérieuse. Il s’agit de devenir un apostat officiel par une simple demande écrite à l’évêché de son lieu de baptême. [...]
« Enfer ». Oui, mais voilà. Le chemin qui mène loin des fonts baptismaux est parfois sinueux. Dans le cas de Frédéric, le diocèse tente la médiation en lui proposant une rencontre avec le curé de son quartier. Un café est pris avec ledit curé, mais le demandeur campe sur ses positions et réitère sa demande, par courrier. Sans réponse. « J’avais voulu les titiller, leur silence m’a comblé, j’avoue. » Ce n’est qu’après six mois d’acharnement qu’il reçoit enfin son « acte de débaptême ». Ou plutôt une photocopie du registre où figure son nom, avec une annotation en marge : « A renié son baptême. » Bref, pas de radiation. Car aux yeux de l’Eglise ce sacrement est indélébile. Le père Antoine de Vial, curé de la paroisse Saint-Marcel à Paris, est catégorique : « D’un point de vue théologique, le baptême constitue un acte d’adoption de l’homme par Dieu. De la même façon qu’il est impossible de nier que chacun d’entre nous est né d’un père et d’une mère, on ne peut effacer cette filiation divine. »
Reste que, face à ces irréductibles athées, l’Eglise est bien forcée d’obtempérer. « Le chancelier du diocèse [greffier, ndlr] note en marge du registre que la personne a rejeté ce sacrement, et nous nous engageons à ne plus fournir d’acte de baptême », explique-t-on au service juridique de la Conférence des évêques de France. Une position qui semble satisfaire la majorité des apostats de tous poils, qui ont perfectionné leurs techniques de débaptisation au fil des campagnes, menées depuis le milieu des années 90 par les associations d’athées militants ou d’homosexuels.
« Divorce ». Christian, 60 ans, est l’un des pionniers du genre. Ce bouffeur de curé, fondateur du Cercle des résistants à l’oppression des agenouillistes, propose une panoplie complète de kits et formulaires pour se défaire des résidus d’eau bénite qui marquent encore nos fronts christianisés. Débénédiction express, débaptisation : tous les contre-maléfices sont disponibles sur son site Internet (1). Christian est devenu apostat dans les années 90 : « Elevé dans un milieu catholique, j’ai mis des années à me défaire des peurs irraisonnées comme celle de l’enfer ou de la sexualité. » Il a donc écrit à sa paroisse de baptême pour qu’on le sorte de là. « D’abord, le curé m’a répondu qu’il ne pouvait pas délier sur terre ce qui avait été lié au ciel. Je lui ai répondu que je n’étais pas monté au ciel pour me faire baptiser. » Après un échange de courriers, il a fini par recevoir une photocopie de son acte modifié. « Aujourd’hui, la procédure est plus facile, car on sait mieux comment s’y prendre et l’Eglise y est davantage habituée », explique le militant. Sur Internet, même les curés commencent à en parler. Le père d’Izarny, alias Cybercuré, anime un site d’information chrétienne (2) : « Tous les quinze jours, je reçois un courriel à propos du débaptême. La plupart viennent de personnes blessées par l’Eglise ou d’athées convaincus. Je leur montre comment procéder. »
Du côté des militants de la débaptisation, on propose une grande variété de formulaires types. Pour une efficacité maximum, le nec plus ultra des courriers semble être celui qui en appelle à la loi informatique et libertés, qui donne le droit de s’opposer à l’utilisation de données personnelles figurant sur un fichier.
C’est en tout cas celui qu’Estelle, 27 ans, a utilisé. « Je voulais une lettre bien tournée, un peu menaçante. En me référant à une loi, j’avais l’impression d’engager une procédure de divorce. » Résultat, en deux semaines tout était plié. La jeune fille recevait un courrier du diocèse avec photocopie de son acte modifié. Dégoûtée : « Ils auraient pu me faire languir ! » Sa seule consolation : l’annotation était en latin : Deficit a fide (« a renoncé à sa foi ») . « Ça en jette, vous ne trouvez pas ? »
(1) www.croa-at.com
(2) cybercure.cef.fr "
Lire “Débaptisez-moi”.
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