Daniel Keller, Grand Maître du Grand Orient de France. 19 novembre 2013
"D’une manière apparemment inéluctable, l’infamie frappe à nouveau le pacte républicain de ses coups de butoir. Il y a d’abord eu les propos homophobes qui marquèrent d’opprobre le débat sur le mariage pour tous, puis ce fut le tour des relents xénophobes désignant à la vindicte populaire les Misérables des temps modernes venus des quatre coins les plus pauvres de la planète. Comme si cela ne suffisait pas, la descente aux enfers s’est poursuivie avec les attaques racistes dont la Ministre de la Justice a été récemment l’objet. Enfin c’est le Président de la République qui est désormais conspué au mépris de toute forme de dignité élémentaire dans le cadre des manifestations commémorant l’armistice de la Grande Guerre.
Ces outrances indignent le Franc-Maçon que je suis et, j’en suis certain, l’ensemble des frères et sœurs du Grand Orient. Il serait irresponsable de les balayer d’un revers de main en les considérant comme de simples dérapages insignifiants. Tout au contraire, à travers elles c’est l’esprit républicain dans lequel tout débat démocratique doit s’enraciner qui est vilipendé. J’appartiens à une Obédience qui s’est forgée dans le refus de la haine et de la violence, qui a combattu pour que la République devienne au fil de son histoire une terre où la liberté, l’égalité et la fraternité soient le ciment d’une capacité à vivre ensemble en permanent devenir, par delà la multiplicité des origines, la diversité des cultures et des sensibilités politiques.
Le Franc-Maçon que je suis croit donc que la société ne s’améliorera durablement que dans la mesure où les femmes et les hommes qui la composent sauront faire prévaloir ce qui les rassemble sur ce qui les divise. A condition, entre temps, que le temps de la haine ne l’ait pas définitivement emporté sur le temps de la raison. Pour cela, chaque citoyen doit plus que jamais savoir faire preuve de cet esprit républicain sans lequel la République ne pourra triompher de ses ennemis.
Il appartient, dans les circonstances actuelles, à la classe politique dans son ensemble de montrer une solidarité sans faille vis-à-vis de principes qui ne sauraient être l’otage du débat politique animant toute démocratie et des éventuels scrutins qui en ponctuent le cours. A ceux auxquels la Nation a confié la mission de la représenter, d’être les promoteurs inlassables d’une éthique de la politique pure de tout esprit d’accommodement. Elle seule pourra faire refluer la bête immonde qui renaît de ses cendres.
C’est l’exemplarité collective qui ramènera le fleuve dans son lit, qui rendra à chacun le sens intime des limites et sera le fondement de toute action réformatrice consentie.
Puisse-t-il s’agir d’un combat dont l’issue ne saurait déjà être jugée incertaine ! En tous cas, c’est le rôle du Franc-Maçon, à la place qui est la sienne, de travailler sans relâche à faire en sorte que le temps de la déraison jamais ne revienne."
Comité Laïcité République
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