Jean-Paul Brighelli, enseignant, essayiste, auteur notamment de "La Fabrique du crétin" (Gawsewitch, 2005) 16 mai 2016
Lire "Coupeurs de langue, réducteurs de têtes".
"Les éditions Hachette, depuis une dizaine d’années, retraduisent la série d’Enid Blyton, le Club des Cinq. Non dans un souci de rajeunissement — toute traduction témoigne des modes de son temps, par exemple l’utilisation du « vous » de politesse dans des situations où le français contemporain dirait « tu », le « you » anglais laissant toujours une marge d’interprétation. Non : il s’agit de simplifier la lecture, afin que des gamin(e)s déstructuré(e)s entrent plus facilement dans le récit. En éliminant, par exemple, le passé simple, remplacé uniformément par le présent de narration. En supprimant le « nous » au profit d’un « on » plus immédiatement conforme aux distorsions de l’oral. En « vulgarisant » l’expression — tout en adoptant une pensée politiquement correcte qui élimine parfois des éléments-clés des intrigues — les enfants battus, par exemple, ou la suspicion sur les Gitans, l’un des grands topoi du roman d’aventures enfantines. Ou en raréfiant le vocabulaire — ainsi Le Club des Cinq et les saltimbanques est devenu Le Club des Cinq et le Cirque de l’Etoile. « Saltimbanques », c’était trop compliqué. Mais parler avec les mots de l’enfant n’a jamais contribué à améliorer le vocabulaire dudit enfant. Le français des pédagogues, c’est areuh-areuh forever. [...]"
Comité Laïcité République
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